Un charnier de 21 corps, sans doute des militaires «bérets rouges», proches du président Amadou Toumani Touré renversé en 2012 au Mali, a été découvert mercredi à Diago, près de Bamako, une semaine après l'arrestation de l'auteur du putsch, Amadou Sanogo.

«Nous avons découvert un charnier de 21 corps, probablement de militaires «bérets rouges» dans une fosse commune de Diago. Les corps ont été exhumés», a déclaré un responsable du ministère malien de la Justice qui a participé à l'exhumation.

Cette information a été confirmée par une source sécuritaire malienne qui a indiqué «que des cartes d'identité retrouvées dans la fosse commune semblent confirmer qu'il s'agit de militaires «bérets rouges» disparus».

L'une de ces cartes a été formellement identifiée comme appartenant à un lieutenant des «bérets rouges», a ensuite précisé cette source.

À 500 mètres de l'endroit où le charnier a été découvert, dans la commune de Diago, non loin de l'ex-quartier général de Sanogo et ses hommes, situé à Kati (15 km de Bamako), les forces de sécurité empêchaient l'accès du lieu à la presse et aux curieux, a constaté un journaliste de l'AFP.

Cette découverte n'est pas une surprise pour un proche collaborateur du juge d'instruction Yaya Karembe qui a inculpé le général Amadou Sanogo.

«Nous avions des indices peu avant l'inculpation de Sanogo. L'endroit était connu (...) car depuis trois semaines, les ex-compagnons de Sanogo avaient donné des informations précises sur le charnier», explique ce collaborateur du juge, présent sur place.

«Mais je veux être prudent», ajoute-t-il, «Nous avons besoin de faire des analyses avant de dire qu'il s'agit bien des corps de «bérets rouges». En l'état actuel de nos moyens, nous ne pouvons pas le prouver et nous demanderons sûrement l'aide de pays comme la France».

Selon lui, c'est peu avant 3h mercredi que l'exhumation des corps s'est déroulée en présence de policiers, de membres des services maliens de renseignement et du juge d'instruction Karembe.

«Partie visible de l'iceberg»

Dans un communiqué transmis à l'AFP, Amnesty International, dont une délégation se trouvait la semaine dernière au Mali, a salué «les efforts du gouvernement pour restaurer la justice et l'État de droit». Mais, selon l'organisation de défense des droits de l'Homme, la découverte de ce charnier «n'est que la partie visible de l'iceberg: plus doit être fait pour établir la vérité sur les graves atteintes aux droits de l'Homme commises ces deux dernières années» au Mali.

Cette découverte intervient une semaine après l'arrestation, l'inculpation et l'incarcération d'Amadou Haya Sanogo, auteur du coup d'État du 22 mars 2012 contre le président Touré qui avait plongé le Mali dans le chaos. Son arrestation a été suivie de celle d'une quinzaine de ses proches, essentiellement des militaires.

Selon le gouvernement malien, «pour l'instant, M. Amadou Sanogo est inculpé de complicité d'enlèvement de personnes», mais une source proche du juge Karembe a affirmé à l'AFP qu'il a été inculpé de «meurtres, complicité de meurtres, assassinats, enlèvement de personnes et complicité d'enlèvement».

Le 30 avril 2012, les «bérets rouges» avaient vainement voulu reprendre le pouvoir lors d'une tentative de contre-coup d'État sanglante au cours de laquelle une vingtaine d'entre eux avaient été tués par les «bérets verts», les hommes de Sanogo, mais leurs corps n'avaient jamais été retrouvés.

Ce ne sont pas les seules exactions dont sont soupçonnés Sanogo et ses hommes: dans les mois qui ont suivi le coup d'État, Kati avait été le lieu de nombreuses violences commises contre des militaires considérés comme fidèles au président renversé, ainsi que contre des hommes politiques, des journalistes et des membres de la société civile.

Le coup d'État avait précipité la chute du nord du Mali aux mains de groupes islamistes armés, qui ont occupé cette région pendant neuf mois avant d'en être en partie chassés par une intervention militaire internationale lancée par la France en janvier 2013 et toujours en cours.

Le ministre malien de la Défense, Soumeylou Boubèye Maïga, a affirmé lundi qu'il ne ferait «aucun obstacle» aux procédures judiciaires en cours contre Amadou Sanogo et ses proches.

Obscur capitaine au moment du putsch, Sanogo avait été bombardé général en août sans jamais avoir combattu les islamistes dans le Nord.

Ce fut l'une des dernières décisions du régime de transition mis en place après le coup d'État, mais Sanogo est tombé en disgrâce depuis l'entrée en fonction du nouveau président élu en août, Ibrahim Boubacar Keïta.