Mahamane Dédéou Maiga portera toute sa vie la trace des islamistes. À 22 ans, on lui a coupé la main droite au nom de la charia. Alors que les islamistes battent ces jours-ci en retraite au Mali, il a raconté son calvaire à notre journaliste.

Mahamane cache son regard derrière ses verres fumés. Tremblant, le ton hésitant, l'apprenti conducteur d'autobus cherche ses mots. «Je connais Allah et ce qu'il a dit. Je suis musulman. Mais je ne comprends pas pourquoi», bredouille-t-il.

Mahamane dissimule son moignon sous une chemise ample. Il sue dans la chaleur écrasante.

Le jeune homme est né et a toujours vécu à Tombouctou. En avril 2012, Ansar Dine, un mouvement lié à Al-Qaïda, s'est emparé de cette ville du nord du Mali (qui vient tout juste d'être reprise par les Français et l'armée malienne) et a imposé la charia, la loi islamique. Au nom d'Allah, ils ont tranché les mains des hommes qu'ils accusaient de vol.

Au moins huit Maliens ont connu ce sort depuis le jour où différents groupes islamistes ont envahi une partie du pays.

Des ennuis pour des matelas

Les problèmes de Mahamane ont commencé quand un ami lui a confié des matelas trouvés pour les revendre. «Nous, les jeunes, avons ramassé du matériel abandonné après les combats. Les trucs qui traînaient.»

Trois mois après, on cogne à sa porte. «Il y avait quatre 4x4 avec des armes lourdes. Les terroristes m'ont menotté et m'ont amené à la police islamique.» Après un interrogatoire musclé, Mahamane apprend qu'on considère qu'il a volé les matelas «à l'État». Et l'État, c'est maintenant Ansar Dine, lui dit-on.

«J'ai rendu l'argent des matelas. Les islamistes m'ont dit que je devais faire un mois de prison parce que j'avais volé. Puis ils ont dit qu'il fallait payer 400 000 francs (800$). Puis, plus tard, 100 000 francs (200$), ensuite, 75 000 francs (150$), et enfin 50 000 francs (100$).»

Chaque fois, son oncle Elhadj Mahamane Diallo amasse la somme demandée. Mais cela ne suffit pas. Le 16 septembre 2012, on emmène Mahamane au commissariat. Les islamistes lui annoncent qu'ils lui couperont la main, qu'ils n'ont pas le choix, c'est la charia. On lui injecte un liquide paralysant dans chaque bras. À partir de ce moment, Mahamane ne se souvient plus clairement.

Images insoutenables

Son oncle Elhadj, lui, se souvient. «On l'a emmené sur la place centrale et on l'a attaché à une chaise. On lui a bandé les yeux. Puis ils ont dit qu'ils allaient lui couper la main.»

Des habitants de Tombouctou ont diffusé les images atroces sur l'internet, témoignage saisissant de la cruauté des islamistes. Dès que Mahamane a été mieux, le 6 octobre, la famille s'est enfuie à Bamako. «Ce sont des criminels. Si je trouve de l'aide, je vais rentrer là-bas pour me venger», dit-il.

Puis, il enlève ses verres fumés et retrouve son sourire lorsqu'il évoque l'avenir. Mahamane, Elhadji et une quarantaine de membres de la famille vivent maintenant chez sa tante Cissé Djénabou Diallo. Peu bavarde, elle surveille sa casserole sur le feu durant toute l'entrevue, écoutant son petit-neveu parler de son entraînement quotidien au soccer, de son désir de trouver travail et femme, mais surtout de retourner à Tombouctou et de reprendre la vie d'avant.

«Je n'ai qu'une main. Et depuis les injections, elle ne fonctionne pas bien. Mais un homme doit prendre en charge sa famille. J'ai une vie à vivre. Dieu est grand.»