Les soldats français et maliens ont avancé dimanche vers la cité mythique de Tombouctou, au lendemain de la reconquête, lors d'une offensive éclair, de Gao, la plus grande ville du nord du Mali, où des soldats de la force africaine se sont ensuite déployés.

L'aviation française a aussi bombardé des positions islamistes dans leur fief de Kidal, à 1.500 km de Bamako, alors que des sources font état depuis plusieurs jours d'un repli des combattants islamistes dans les montagnes de cette région, dans l'extrême nord-est malien.

Soldats français et maliens progressaient parallèlement par voie terrestre sur un autre front, en direction de Tombouctou, ville-phare de l'islam en Afrique, à 900 km au nord-est de Bamako.

«Près d'une vingtaine» de frappes ont été menées dans les régions de Gao et Tombouctou «ces dernières 36 heures»,  a indiqué le ministère français de la Défense dans un communiqué qui ne cite pas la région de Kidal.

Les «troupes françaises et maliennes» seront «bientôt près de Tombouctou», avait assuré samedi le Premier ministre français Jean-Marc Ayrault.

Des «éléments précurseurs» de l'armée malienne ont pu s'infiltrer dimanche dans la périphérie de Tombouctou, selon un haut gradé de l'armée malienne, qui a requis l'anonymat.

«Les troupes maliennes et françaises avancent en direction de Tombouctou, sans rencontrer de résistance, aucune résistance», a insisté cette source.

«A Gao, des cas de pillages, et d'atteinte aux biens ont été constatés. Nous voulons éviter les mêmes scènes à Tombouctou et ailleurs», a-t-elle précisé.

La «libération», qui semble proche, de Tombouctou, enchante des réfugiés de la ville rencontrés samedi à Mopti (centre), dont certains évoquent déjà une volonté de vengeance à l'égard des islamistes, qui ont détruit des mausolées de saints musulmans et imposé une conception rigoriste de la charia (loi islamique).

«Ils nous chicotaient (frappaient) quand on fumait, quand on écoutait de la musique. On va leur faire payer ce qu'ils nous ont fait. Les chicoter aussi», promet ainsi Amadou, un jeune étudiant de Tombouctou, réfugié à Mopti (centre).

Le bastion islamiste de Gao, à 1200 km au nord-est de Bamako, est tombé samedi au cours d'une opération spectaculaire de l'armée française: des membres des forces spéciales bénéficiant d'un appui aérien se sont d'abord emparés de l'aéroport et d'un pont stratégique.

«Plusieurs groupes terroristes ont été détruits ou chassés vers le Nord» lors de cette opération, a affirmé le ministère français de la Défense.

Puis, des soldats tchadiens et nigériens sont venus par avion du Niger voisin, marquant de manière frappante l'entrée des troupes de la force africaine sur le théâtre des opérations malien.

«La prise de contrôle de Gao, qui compte 50 000 à 60 000 habitants, par les soldats maliens, tchadiens et nigériens est en cours», a indiqué dimanche le porte-parole de l'armée française, le colonel Thierry Burkhard.

Le ministère français de la Défense a fait état d'un «renforcement de la position de Gao, en particulier par un escadron blindé (français), par les forces armées maliennes et par plusieurs unités africaines (Niger, Tchad)».

L'UA salue l'action de la France

Plus de 6000 soldats ouest-africains et tchadiens doivent à terme être déployés au Mali pour prendre le relais de l'armée française, mais ils n'arrivent qu'au compte-goutte et leur déploiement est ralenti par de sérieux problèmes de financement et de logistique.

Jean-Marc Ayrault a appelé dimanche «la communauté internationale à continuer à se mobiliser» pour le Mali en expliquant que «chacun pouvait contribuer, selon ses possibilités, à aider ce pays et ceux de l'Afrique de l'Ouest qui viennent à son secours».

A Gao, les premiers témoignages faisaient état d'une liesse populaire: «L'armée malienne a été accueillie dans Gao par des applaudissements et des cris: Vive le Mali ! Vive la France !», a expliqué le lieutenant Adama Coulibaly.

Mais d'autres témoins ont mentionné des actes de pillage: «Les belles maisons qu'on voit quand on vient de l'aéroport vers la ville ont été pillées, parce que les populations disent qu'elles appartiennent à des Arabes trafiquants de drogue», selon une personne jointe par téléphone satellitaire.

Gao était un bastion des islamistes du Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao), qui y ont commis de nombreuses exactions, dont des amputations sur de personnes accusées de vol.

Ce groupe avait affirmé samedi à l'AFP vouloir «négocier la libération» d'un otage français, Gilberto Rodriguez Leal, enlevé en novembre 2012 dans l'ouest du Mali. Jean-Marc Ayrault a répondu en refusant «les logiques de chantage».

Selon une source de sécurité malienne, les principaux responsables des groupes islamistes armés, Iyad Ag Ghaly, chef d'Ansar Dine (Défenseurs de l'islam), et l'Algérien Abou Zeid, l'un des émirs d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), se sont réfugiés dans les montagnes de Kidal où des positions islamistes ont été bombardées samedi par des avions français.

La maison d'Ag Ghaly, ex-militaire et ex-figure des rébellions touareg des années 1990 au Mali, a été détruite, a indiqué une source malienne de sécurité.

Une information démentie par une source militaire française selon laquelle «la maison de Iyad Ag Ghaly est toujours debout». Selon cette source, «il n'y a pas eu de frappes dans la région de Kidal».

A Addis Abeba, le chef d'État béninois Thomas Boni Yayi, président sortant de l'Union Africaine (UA), a déploré dimanche devant ses pairs réunis en sommet la lenteur de l'organisation à agir pour «défendre» le Mali et «salué» l'intervention française.