Les pays dont des ressortissants ont été pris en otage avec des centaines de locaux sur un site gazier en Algérie redoutaient vendredi un bilan très lourd de l'assaut massif des forces d'Alger contre le commando islamiste venu de la Libye voisine.

Jeudi soir aucun bilan officiel précis n'a filtré sur cette opération militaire dont on ignorait encore si elle avait été effectivement achevée en milieu de soirée sur le site d'In Amenas dans le Sahara à 1300 km au sud-est de la capitale comme l'avait annoncé l'agence de presse algérienne APS.

L'agence rapportait un peu plus tard que l'assaut n'avait permis de contrôler que le « site de vie » du complexe gazier où se trouvait la majorité des otages. Les forces algériennes, selon la même source, encerclaient encore en milieu de soirée l'usine même du complexe.

Avant d'apporter ces précisions, le ministre algérien de la Communication Mohamed Said avait indiqué que l'opération a permis de « libérer jusqu'à présent plusieurs otages nationaux et étrangers », sans fournir de chiffres. Il s'était contenté de faire état d'un « nombre important d'otages libérés et malheureusement quelques morts et blessés ».

« Un nombre important de terroristes qui ont essayé de prendre la fuite vers un pays limitrophe ont été neutralisés », a-t-il ajouté justifiant l'intervention.

Dans la soirée, un porte-parole du groupe auteur du rapt a annoncé que le chef du commando, Abou al-Baraa, avait été tué jeudi, selon l'agence mauritanienne ANI.

Les capitales occidentales n'ont pas caché leur inquiétude sur le sort de leurs ressortissants retenus par les jihadistes liés à Al-Qaida. Ceux-ci avaient présenté la prise d'otages comme les premières représailles à l'intervention française au Mali lancée le 11 janvier.

« Je pense que nous devons nous préparer à la possibilité de mauvaises nouvelles à venir », a averti le premier ministre britannique David Cameron qui a regretté de ne pas avoir été informé à l'avance par Alger et a reporté un important discours sur l'Europe prévu vendredi.

Le président François Hollande avait noté auparavant que la crise « semblait se dénouer dans des conditions dramatiques ».

Washington a regretté que les États-Unis n'aient pas été mis au courant à l'avance des projets des autorités algériennes.

Le Japon a émis « une ferme protestation » et demandé à Alger de « cesser immédiatement » son opération, tandis que l'Italie condamnait un « ignoble acte de terrorisme ».

Le ministre algérien a justifié le recours à la force en expliquant que les autorités avaient d'abord cherché une solution pacifique, mais que les islamistes, venus de la Libye voisine, « lourdement armés », voulaient « quitter l'Algérie en emportant avec eux les otages étrangers » pour s'en servir comme « carte de chantage ».

L'intervention a permis la libération de 600 Algériens ainsi que d'un Français, de deux Britanniques et d'un Kényan, selon l'agence APS.

Mais un porte-parole des islamistes a déclaré que l'opération avait aussi fait une cinquantaine de morts, 34 d'otages et 15 ravisseurs, des informations non confirmées.

« Des avions de combat et des unités au sol ont entamé une tentative de prendre de force le complexe », a-t-il ajouté à l'agence mauritanienne ANI, menaçant de mort les otages survivants, dont sept Occidentaux.

Il a précisé que trois Belges, deux Américains, un Japonais et un Britannique avaient survécu.

Arrivée de premiers renforts africains

Plus de 24 heures après l'attaque des jihadistes, le nombre exact comme la nationalité des otages restaient imprécis. Outre les très nombreux travailleurs algériens, il y aurait eu plus d'une quarantaine d'Occidentaux, dont des Américains, Britanniques, Japonais, Français, Irlandais et Norvégiens.

Une trentaine d'Algériens ont réussi à s'échapper du site d'In Amenas, exploité par le groupe britannique BP, le norvégien Statoil et l'algérien Sonatrach, ont annoncé les autorités locales.

Selon Dublin un Irlandais était sain et sauf. Quinze étrangers, dont un couple de Français, selon la chaîne privée algérienne Ennahar, ont réussi à fuir.

Un porte-parole du gouvernement japonais a annoncé que trois Japonais sur 17 présents sur le site étaient « en sûreté » et 14 portés manquants, sans plus de précisions.

Parmi les premières mesures provoquées par la crise, BP a annoncé jeudi qu'il était en train d'évacuer « un groupe de travailleurs non essentiels » d'Algérie. Un Britannique et un Algérien avaient été tués mercredi dans l'attaque du site.

La secrétaire d'État américaine Hillary Clinton a demandé aux ambassades et aux entreprises américaines au Maghreb et en Afrique du Nord de revoir leurs dispositifs de sécurité.

Dans le même temps, elle a appelé le premier ministre algérien Abdelmalek Sellal pour « assurer l'Algérie de sa solidarité », a indiqué à l'AFP le porte-parole de ce dernier, Kader Berdja.

Les ravisseurs se présentent comme les « Signataires par le sang » de l'Algérien Mokhtar Belmokhtar, récemment destitué par Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI).

Ils ont assuré réagir « à la croisade menée par les forces françaises au Mali» mais une opération aussi complexe a de toute évidence été montée de longue date, bien avant l'intervention française au Mali, selon des experts.

Les développements en Algérie ont éclipsé la poursuite des combats au Mali où un nouvel accrochage a opposé dans la nuit des soldats français et maliens à des islamistes armés près de Konna (centre). La prise de la ville sur la route de Bamako le 10 janvier, par les jihadistes avait provoqué l'intervention française le lendemain.

Plusieurs quartiers de Diabali (ouest), où des combats auraient eu lieu mercredi avec des forces spéciales françaises, restaient encore entre leurs mains, selon une source sécuritaire malienne.

Diabali - 400 km au nord de Bamako - a été prise lundi par les islamistes, qui y seraient dirigés par l'Algérien Abou Zeid, un des chefs d'Aqmi.

À Bamako, une quarantaine de soldats togolais sont arrivés jeudi, premiers éléments de la force armée ouest-africaine, la Misma, qui doit chasser les groupes armés qui occupent une grande partie du Mali depuis neuf mois.

Ils ont été rejoints par une cinquantaine de Nigérians de la force d'intervention ouest-africaine, la Misma, dont 2000 soldats sur un total à terme de 3300 doivent être déployés d'ici le 26 janvier.