Le premier ministre irakien sortant Nouri al-Maliki a annoncé jeudi qu'il abandonnait le pouvoir trois jours après la désignation de son successeur, alors que le pays plongé dans sa plus grave crise depuis des années ne parvient toujours pas à contenir l'offensive djihadiste.

Dans le même temps, le président Barack Obama a affirmé que les frappes aériennes américaines contre les jihadistes de l'État islamique (EI) avaient brisé le siège des monts Sinjar, dans le nord du pays, où étaient piégés des milliers de réfugiés yazidis chassés par les insurgés.

La communauté internationale a intensifié ses efforts pour fournir de l'aide humanitaire aux personnes déplacées par l'offensive de l'EI, ainsi que des armes et du matériel aux forces kurdes qui luttent contre eux.

Sur le plan politique, au terme de mois de crise et des critiques de plus en plus virulentes contre lui, M. Maliki a décidé de jeter l'éponge, après avoir passé huit années au pouvoir et tout fait pour y rester.

«J'annonce devant vous aujourd'hui (...) le retrait de ma candidature au profit du frère Haïdar al-Abadi», a déclaré M. Maliki, dans une allocution retransmise à la télévision où il est apparu aux côtés de son successeur désigné, dont il avait vivement dénoncé la nomination.

Le président irakien Fouad Massoum avait chargé lundi M. Abadi, un membre du parti Dawa de M. Maliki, de former un nouveau gouvernement. Mais M. Maliki, qui ne cachait pas sa volonté de briguer un troisième mandat, avait qualifié cette décision de violation de la Constitution.

Et même lâché par ses alliés iranien et américain, et des membres de son propre bloc chiite, il avait affirmé qu'il n'avait pas l'intention de quitter le pouvoir sans une décision de la Cour fédérale, qu'il a saisie.

Les nombreux détracteurs de M. Maliki, un chiite de 63 ans, imputent le chaos dans le pays, et notamment la montée en force des jihadistes, à sa politique d'exclusion des sunnites et à son autoritarisme.

Pas historique 

Sa décision d'abandonner le pouvoir a été qualifiée de «grand pas en avant» par Susan Rice, conseillère à la sécurité nationale du président Barack Obama, tandis que le représentant spécial de l'ONU à Bagdad, Nickolay Mladenov, a évoqué un «pas historique» pour l'Irak.

À charge désormais pour M. Abadi, qui a obtenu un soutien international massif, de former un gouvernement d'union qui aura la lourde tâche de sortir le pays de sa plus grave crise depuis des années.

Des centaines de milliers de personnes ont été jetées sur les routes par l'offensive fulgurante lancée le 9 juin par l'EI, qui s'est emparé de pans entiers du territoire au nord, à l'ouest et à l'est de Bagdad.

Depuis une dizaine de jours, les jihadistes ont avancé vers le Kurdistan autonome chassant des dizaines de milliers de membres des minorités chrétienne et yazidie (minorité kurdophone et non musulmane) de leurs villes, à Sinjar et Qaraqosh notamment, tombées aux mains de l'EI. Les forces kurdes dépassées tentent de les freiner.

Le Haut commissariat de l'ONU aux réfugiés avait estimé il y a quelques jours à plusieurs dizaines de milliers le nombre de personnes, en majorité des Yazidis, prises au piège sans vivres et sans eau dans les monts Sinjar, après avoir été chassées par les jihadistes.

Vies innocentes sauvées 

«Nous avons brisé le siège de l'EI dans les monts Sinjar et avons sauvé beaucoup de vies innocentes», a déclaré M. Obama, tout en précisant que l'armée américaine allait poursuivre ses frappes aériennes contre les jihadistes dans le nord, débutées le 8 août.

Des drones et des chasseurs de l'armée américaine ont ainsi détruit jeudi deux véhicules armés et un véhicule blindé de l'État islamique, selon le commandement militaire américain.

Selon le Pentagone il restait jeudi entre 4000 et 5000 Yazidis dans les monts Sinjar, plusieurs milliers d'entre eux ayant réussi à quitter la montagne ces derniers jours.

À Dohuk, au Kurdistan autonome où nombre d'entre eux ont trouvé refuge après avoir fui via la Syrie, les déplacés très affaiblis ont témoigné de l'horreur survenue dans leurs villages avec l'arrivée des jihadistes, qui ont pourchassé les Yazidis dans les rues, abattant des jeunes hommes et enlevant les femmes.

La communauté internationale s'est mobilisée pour aider les déplacés au Kurdistan: le Royaume-Uni a procédé dans la nuit à de nouveaux largages d'aide humanitaire, avant d'indiquer en début de soirée la suspension «les largages d'aide humanitaire» sur les monts Sinjar, «étant donné que l'approvisionnement semble être suffisant».

Londres envisagerait en outre «favorablement» la possibilité d'armer les forces kurdes si la demande lui en était faite, a déclaré un porte-parole du bureau du premier ministre David Cameron.

L'Allemagne va envoyer quant à elle vendredi quatre avions de transport militaires Transall chargés d'aide humanitaire, dont du matériel médical.

L'aide humanitaire de la France au Kurdistan va être «amplifiée», a également promis le président François Hollande lors d'un entretien téléphonique avec M. Massoum, à qui il a confirmé «la livraison imminente» d'équipements militaires.

Le Conseil de sécurité de l'ONU votera vendredi des mesures visant à couper les vivres des jihadistes en Irak et en Syrie, alors que l'Union européenne doit tenir à Bruxelles une réunion d'urgence des ministres des Affaires étrangères.