La presse italienne, en particulier les vaticanistes, examinait mardi les signes précurseurs de la démission historique du pape annoncée la veille, et s'interrogeait sur les véritables causes de son départ.

«L'Adieu du pape décidé il y a un an», affirme La Stampa, dans un titre barrant sa Une, avant une dizaine de pages consacrées à l'événement.

Selon Andrea Tornielli, vaticaniste du journal et animateur du site Vatican Insider, Benoît XVI méditait son départ depuis «pas mal de temps». Il avait «pris sa décision y a un an au retour du voyage au Mexique mars 2012 où "une chute nocturne avait alarmé son entourage".

Selon lui, seules trois personnes étaient au courant : son secrétaire particulier Georg Gaenswein, le numéro deux du Vatican Tarcision Bertone, le doyen des cardinaux Angelo Sodano. D'autres vaticanistes affirment même que ce dernier n'était pas dans la confidence.

L'Osservatore romano, le quotidien du Vatican, a affirmé que sa décision avait été prise il y a «plusieurs mois».

Mais selon Andrea Tornielli, même s'il a des problèmes de coeur et porte un stimulateur cardiaque, il ne part pas pour des raisons de santé. Il a affronté un pontificat difficile avec la lutte contre les abus pédophiles menée «avec une détermination jamais vue auparavant». Le scandale VatiLeaks, fuite des documents secrets du pape, a aussi mis en évidence des luttes intestines dans l'Église et il a vu ses «projets comme la réforme de la liturgie et la paix avec les intégristes s'ensabler».

«La véritable information est que le pape ait décidé de se comporter comme une personne "normale" en admettant aussi qu'il n'a plus la force de diriger l'Église», explique La Stampa dans un autre éditorial, intitulé Théologie laïque, la révolution de Benoit.

Pour le directeur de Repubblica Ezio Mauro, il s'agit d'une «irruption de la modernité dans une institution vieille de 2000 ans». Il rend hommage comme le journal de gauche Fatto Quotidiano - pourtant souvent enclin à la critique et la dérision - au «courage» du pape pour un geste solitaire.

Pour le Corriere della Sera, il s'agit d'un «tournant de grande modernité pour l'Église». Et cette «démission est la conséquence d'un tourment intérieur». Le pape est «de caractère humble, discret, plus enclin à se pencher sur les livres qu'à discuter d'affaires d'État, c'est un combattant de l'âme», note le directeur Ferrucio de Bortoli en première page.

Selon le vaticaniste du journal, Massimo Franco, le pape a pris sa décision en raison de la "dérive d'une Église institution passée du statut de «maîtresse de vie» «pécheresse», de «point de référence» du monde occidental à «grande accusée mondiale».

«N'ayant pas réussi à changer l'Église, Benoît XVI a décidé de partir lui», écrit M. Franco qui évoque un «rapport secret-choc» de trois cardinaux sur le scandale VatiLeaks qui a mis en évidence «une crise de système faite de conflits, manoeuvres, trahisons».

Le Sole 24 Ore affirme pour sa part que le pape a subi «il y a trois mois une intervention pour remplacer son stimulateur cardiaque». «Qui était proche de lui l'avait vu s'interroger avec simplicité et détermination sur sa capacité à diriger la barque de Pierre», a expliqué le quotidien économique. Mais «personne lors de ce passage délicat n'imaginait qu'il prendrait une décision historique de ce type», selon le Sole 24 Ore.