«Nous avons besoin de votre aide et nous avons besoin de votre performance honnête dans ce devoir important de civisme», a lancé lundi matin le juge George O'Toole au premier groupe de jurés potentiels au procès de Djokhar Tsarnaev, qui risque la peine capitale pour son rôle présumé dans le double attentat du marathon de Boston, en avril 2013.

Il aurait pu ajouter: «Nous avons également besoin de votre patience.»

La sélection des jurés, amorcée sous haute surveillance dans un tribunal fédéral de Boston, pourrait à elle seule durer trois semaines. Le procès comme tel devrait commencer autour du 26 janvier et s'étendre sur trois ou quatre mois.

«Ce procès diffère des autres affaires criminelles sur un point important», a déclaré le juge O'Toole à environ 200 jurés potentiels qui ont dû remplir un questionnaire après avoir reçu l'ordre de ne parler à personne du procès et de ne pas consulter les médias ou les réseaux sociaux.

«Dans cette affaire, M. Tsarnaev est accusé de crimes qui peuvent être punis par une condamnation à mort», a-t-il ajouté en faisant référence à des attaques qui ont fait 3 morts et 264 blessés, dont 17 ont dû subir des amputations.

Le juge a par la suite présenté aux jurés le jeune musulman d'origine tchétchène, naturalisé américain en 2012 et aujourd'hui âgé de 21 ans. Arborant une chevelure rebelle et un collier de barbe, il s'est levé, sans laisser paraître ses émotions sur son visage. En juillet dernier, il avait plaidé non coupable aux 30 chefs d'accusation qui pèsent sur lui.

Selon les procureurs fédéraux, Djokhar Tsarnaev a fait exploser avec son frère aîné Tamerlan deux bombes placées parmi les spectateurs qui s'étaient massés près du fil d'arrivée du marathon de Boston, le 15 avril 2013. Il est également poursuivi pour le meurtre d'un policier, tué trois jours plus tard lors d'une chasse à l'homme au cours de laquelle Tamerlan a été abattu.

Djokhar a été arrêté le lendemain à l'issue d'une traque spectaculaire impliquant quelque 9000 policiers. Blessé, il s'était caché sous la bâche d'un bateau garé dans la cour arrière d'une résidence de Watertown, en banlieue de Boston.

Éléments de preuve

Les procureurs fédéraux affirment avoir des preuves accablantes contre l'accusé, dont une vidéo le montrant en train de déposer un sac à dos contenant une bombe derrière Martin Richard, un garçon de 8 ans qui a perdu la vie dans l'explosion.

Tsarnaev aurait également téléchargé sur son ordinateur un exemplaire du magazine Inspire, publié sur l'internet par le groupe Al-Qaïda dans la péninsule arabique et contenant des instructions détaillées pour construire une bombe semblable à celles utilisées dans le carnage de Boston.

Tsarnaev aurait en outre inscrit sur les parois intérieures du bateau de Watertown des messages incriminants. «Arrêtez de tuer des personnes innocentes et nous arrêterons. Le gouvernement américain tue nos civils innocents. Je ne peux tolérer de voir un tel mal rester impuni», aurait-il notamment écrit.

L'accusé est représenté par une équipe d'avocats qui inclut Judy Clarke, bien connue pour avoir défendu plusieurs criminels notoires, dont Ted Kaczynski, alias Unabomber, et Jared Lee Loughner, auteur de la fusillade de Tucson qui a failli coûter la vie à l'ancienne représentante démocrate Gabrielle Giffords.

Kaczynski et Loughner risquaient tous les deux la peine de mort. Ils ont plutôt écopé d'une peine de prison à vie.

Les avocats de Tsarnaev tenteront de faire valoir que leur client était sous l'emprise de son frère aîné, dont il aurait été le pion innocent. Ils argueront également que la répression dont les Tchétchènes ont fait l'objet depuis la Seconde Guerre mondiale a contribué à perturber le jeune homme sur le plan psychologique.

Ces arguments pourraient jouer en faveur de Tsarnaev dans la deuxième phase de son procès, qui doit servir à déterminer sa peine s'il est reconnu coupable dans la première.

Le début du procès a été retardé à plusieurs reprises à la demande des avocats de l'accusé, qui ont également réclamé qu'il soit tenu à Washington. Ceux-ci n'ont cependant pas réussi à convaincre que la région de Boston serait incapable de fournir des jurés impartiaux.

Pas moins de 1200 jurés potentiels défileront au cours des prochains jours devant le juge O'Toole et les avocats de la poursuite et de la défense.