Le centre de commandement militaire américain au Moyen-Orient victime de pirates se réclamant du groupe État islamique. Une vague d'attaques de sites internet français revendiquée par des djihadistes. Des incidents antimusulmans qui secouent la France. Moins d'une semaine après les attentats de Paris, la planète demeure sous tension. Résumé d'une autre journée riche en émotions.

«L'État islamique est là. Nous sommes dans vos ordinateurs, dans chaque base militaire américaine.» Voilà le genre de messages que diffusait hier le compte Twitter du centre de commandement militaire américain au Moyen-Orient.

Le CentCom, comme il est souvent appelé, a vu ses comptes Twitter et YouTube piratés par des hackers se réclamant du groupe État islamique. Les pirates ont aussi publié des documents à l'apparence officielle, notamment une liste d'adresses personnelles d'officiers américains.

«C'est un acte de vandalisme, une nuisance», a déclaré le colonel Steven Warren, porte-parole du Pentagone, qui a voulu minimiser l'incident.

«C'est à peine plus qu'une cyberblague», a-t-il dit, affirmant que l'attaque «ne compromet en aucun cas [leurs] opérations».

Le Centcom a néanmoins dû suspendre les comptes attaqués, et la Maison-Blanche a dit «examiner l'ampleur de l'incident». Situé à Tampa, en Floride, le Centcom supervise les opérations militaires américaines en Irak, en Syrie et en Afghanistan.

Pendant ce temps, la France essuyait aussi une vague d'attaques informatiques. Des sites internet français en tout genre ont été piratés au cours des derniers jours par des groupes se présentant comme des islamistes en provenance de divers pays du Maghreb.

La liste inclut notamment de nombreux sites municipaux de villes comme Biarritz ou Sérignan, ceux de la cathédrale de Nantes et du pont d'Avignon ainsi que la page web du collectif du Forum des droits humains d'Orléans, qui compte notamment Amnistie internationale. Des messages comme «Death to France», «Death to Charlie» ou «Free Palestine» y ont été laissés.

Actes antisémites

En parallèle, la violence perpétrée contre la communauté musulmane déferle aussi en France. Mosquée incendiée à Aix-les-Bains, coups de feu sur une salle musulmane à Port-la-Nouvelle, lycéen d'origine maghrébine roué de coups à Bourgoin-Jallieu: au moins une vingtaine d'actions violentes et une trentaine de menaces envers la communauté musulmane ont été répertoriées depuis les attentats de mercredi dernier, selon l'observatoire contre l'islamophobie du Conseil français du culte musulman.

Entre-temps, la traque de l'une des femmes les plus recherchées du moment, Hayat Boumeddiene, s'est précisée. Mme Boumediene, la femme de l'islamiste Amedy Coulibaly qui a abattu quatre juifs dans un supermarché casher de Paris la semaine dernière, se trouve bel et bien en Syrie. La Turquie, qui s'est défendue hier d'avoir laissé filer une terroriste et d'avoir caché des renseignements, a confirmé que la femme était passée par son territoire le 2 janvier dernier pour se rendre dans ce pays.

Par ailleurs, jusqu'à six autres membres d'une cellule terroriste pourraient être toujours en liberté, craint la police française. Un d'entre eux aurait été repéré alors qu'il conduisait une automobile enregistrée au nom de Mme Boumedine. Les forces de l'ordre recherchent activement ce véhicule.

Le magazine L'Express a aussi révélé hier qu'un homme qui avait été mystérieusement blessé par balles alors qu'il joggait au sud-ouest de Paris est maintenant hors de danger. L'agression, survenue le jour de la tuerie de Charlie Hebdo, semble être liée à Amedy Coulibaly puisque les douilles récupérées près de la victime provenaient d'une arme retrouvée près du terroriste.

Déterminée à renforcer ses lois contre le terrorisme, la France a aussi fait savoir qu'elle pourrait améliorer la collecte de renseignements dans les prisons, isoler les détenus islamistes et combattre la diffusion des messages de haine sur l'internet. Ces pistes ont été avancées hier par le premier ministre de la France Manuel Valls, qui a promis une «réponse exceptionnelle», mais sans «précipitation», aux attentats récents. «Le statu quo, ne rien faire serait absurde», a-t-il dit. La France a dit hier estimer que 1400 Français se sont déjà rendus en Syrie et en Irak ou projettent de le faire, dont 70 ont trouvé la mort.

Mahomet en une du prochain Charlie Hebdo

Malgré le climat de tension qui règne, les artisans de Charlie Hebdo ont promis de ne pas céder à la peur. Le prochain numéro est prévu pour demain, et dire qu'il est attendu est un euphémisme. L'AFP a déjà mis la main sur la une: on y verra un dessin signé Luz illustrant le prophète Mahomet tenant une pancarte sur laquelle on peut lire «Je suis Charlie». Au-dessus, le journal titrera «Tout est pardonné».

Le numéro sera tiré à 3 millions d'exemplaires et vendu dans 25 pays, et sera entièrement conçu par les «survivants» de la tuerie de mercredi dernier.

Excuses de Washington

La Maison-Blanche a par ailleurs fait amende honorable, hier, disant regretter qu'aucun dignitaire de haut rang ne se soit rendu à Paris lors de la marche organisée dimanche en gage de solidarité avec la France. Alors que de nombreux pays y avaient dépêché leur président ou leur premier ministre, Washington s'était contenté d'envoyer son ambassadeur à Paris pour cette manifestation qualifiée «d'historique».

«Nous aurions dû envoyer quelqu'un de plus haut niveau», a admis Josh Earnest, porte-parole de l'exécutif américain.

Le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, pour sa part, a fait les manchettes pour une tout autre raison. Pendant la manifestation de dimanche, l'image de M. Nétanyahou marchant côte à côte avec le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a marqué les esprits. Mais les dessous de cette double apparition, dévoilés hier par des médias français, sont plus tordus qu'on ne le soupçonnait. Selon la chaîne Channel 2, le président français François Hollande avait demandé expressément à M. Nétanyahou de ne pas se rendre à Paris afin que la question des relations entre juifs et musulmans ne détourne pas le sens de la manifestation. Mais M. Nétanyahou s'y est invité quand même, incitant ensuite Paris à inviter M. Abbas.

PHOTO AFP

La une de Charlie Hebdo

COULIBALY SUR LA LISTE DES TERRORISTES DES ÉTATS-UNIS

Amedy Coulibaly, abattu vendredi dans l'assaut du supermarché où il avait tué quatre personnes et pris plusieurs otages en banlieue parisienne, figurait sur la liste des terroristes des États-Unis, a affirmé la chaîne CNN hier. Coulibaly était sur cette liste «depuis un moment», a dit un responsable américain à CNN. La chaîne a précisé que le djihadiste de 32 ans était référencé sur une large liste de terroristes potentiels (la liste TIDE), qui comprend environ un million de noms.

-AFP

ENQUÊTE SUR DIEUDONNÉ

Dieudonné n'allait pas laisser passer une telle occasion. Alors que le monde entier proclamait «Je suis Charlie» par solidarité pour l'hebdomadaire Charlie Hebdo, le polémiste a publié le commentaire «Je me sens Charlie Coulibaly» sur sa page Facebook, dimanche, faisant référence à l'islamiste Amedy Coulibaly qui a abattu quatre juifs dans un supermarché casher de Paris. La justice française a ouvert hier une enquête pour «apologie du terrorisme» sur Dieudonné, régulièrement accusé d'antisémitisme par ses détracteurs.

-Avec AFP, Le Monde, L'Express