Jamais Paris n'aura vécu aussi grand rassemblement populaire. Pendant plusieurs heures, hier, la capitale française aura été figée, dans un ultime hommage aux victimes des attaques des derniers jours. Récit de notre envoyée spéciale, Malorie Beauchemin.

Un million et demi de manifestants

Une marée humaine a littéralement déferlé sur Paris, au milieu de l'après-midi, hier. Répondant à l'appel du président François Hollande, des centaines de milliers de personnes sont venues rendre hommage aux victimes des attentats terroristes qui ont secoué la région parisienne de mercredi à vendredi dernier. En fin de journée, bien que la préfecture de police jugeait difficile d'estimer le nombre de personnes descendues dans les rues, les différents bilans parlaient de un million à un million et demi de manifestants dans la capitale.

Les rues de Paris envahies

Pendant plusieurs heures, la place de la République (point de départ de la marche), la place de la Nation (point d'arrivée), le boulevard Voltaire, qui les relie, et les rues perpendiculaires ont été simultanément envahis par les marcheurs, qui n'avaient d'autre choix que d'avancer à pas de tortue, étant donné la densité de la foule. Le cortège faisait plus de 3 km de long, sans compter les rues avoisinantes où refoulaient les badauds. Trois heures après le départ officiel de la marche, vers 18h, des manifestants continuaient d'affluer lentement, boulevard Voltaire, vers la place de la Nation.



Les familles de victimes en tête

Le front couvert d'un bandeau blanc, les proches des victimes des tueries des derniers jours ont ouvert le cortège officiel. Le président français, François Hollande, les a personnellement salués avant le départ. L'attaque contre le journal satirique Charlie Hebdo, mercredi, a coûté la vie à 12 personnes, dont sept journalistes et deux policiers. Le lendemain, un forcené tuait une policière municipale à Montrouge, en banlieue parisienne, avant de faire quatre autres victimes, vendredi, dans une prise d'otages dans une épicerie casher du 20e arrondissement.

40 chefs d'État de partout dans le monde

La deuxième ligne du cortège avait par ailleurs des airs de sommet international diplomatique. Des chefs d'État et de gouvernements européens, de la chancelière allemande, Angela Merkel, au premier ministre britannique, David Cameron, côtoyaient des dirigeants africains, comme le président du Mali, Ibrahim Boubacar Keïta, le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, le roi et la reine de Jordanie, le président ukrainien, et bien d'autres. Le Canada était pour sa part représenté par son ministre fédéral de la Sécurité publique, Steven Blaney.

Des policiers à tous les coins de rue

Les imposantes mesures de sécurité déployées pour l'occasion étaient bien visibles. Outre les tireurs d'élite et les agents en civil escortant les politiciens, des policiers sécurisaient un large périmètre, présents à tous les coins de rue, bloquant le passage, détournant autant les passants souhaitant rentrer chez eux que les manifestants qui cherchaient à rejoindre le cortège. À plusieurs reprises, les marcheurs ont applaudi et chaudement remercié les agents, qui ont perdu trois de leurs collègues policiers dans les attaques.

Des messages d'espoir

Aux maintenant habituelles affiches arborant «Je suis Charlie» s'ajoutaient hier «Je suis flic. Je suis Juif. Je suis la France», en hommage aux victimes diverses. C'est ce qu'on pouvait lire notamment sur le carton que brandissait Josiane Fitoussi, Parisienne. «C'est important d'être ici, a-t-elle souligné. Pour la liberté d'expression. Et pour dire non à la barbarie.» «Je manifeste contre l'obscurantisme, l'ignorance et le fanatisme, a renchéri Martine, 57 ans, fonctionnaire habitant elle aussi la capitale. Je suis heureuse qu'il y ait autant de monde. Je trouve ça émouvant.»

Des Français fiers

À plusieurs reprises, dans différentes parties du cortège, les marcheurs se sont mis spontanément à entonner l'hymne national français, La Marseillaise. Des milliers de personnes chantant d'une même voix, à travers les drapeaux français et européens qui flottaient dans le ciel nuageux du mois de janvier. «Je suis fier d'être Français, a dit Romain Jugé, 17 ans, voyant toute cette foule réunie. C'est important de montrer qu'on ne se laissera pas marcher dessus par quelques individus extrémistes endoctrinés par une doctrine qui n'est pas la nôtre.»

- En collaboration avec Michèle Ouimet et AFP