Saïd Kouachi, l'un des auteurs présumés du massacre à Charlie Hebdo, a fréquenté au Yémen une université fondamentaliste avant de s'entraîner au maniement des armes avec Al-Qaïda et de batailler contre des miliciens chiites, selon diverses sources locales.

Âgé de 34 ans, Saïd Kouachi, l'aîné des deux frères soupçonnés d'être les auteurs de l'attaque mercredi au siège de l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo (12 morts), est sans doute allé en 2011 au Yémen, une place forte de l'islamisme radical, a indiqué vendredi à l'AFP une source proche du dossier en France. L'Associated Press a également rapporté qu'un responsable yéménite avait confirmé l'information.

La veille, un responsable américain avait déjà indiqué que cet homme s'était rendu au Yémen en 2011 pour y suivre un entraînement dispensé par un membre d'Al-Qaïda.

Selon un camarade yéménite d'université de Saïd Kouachi, c'est en 2009 que le jeune Français d'origine algérienne a débarqué pour la première fois à Sanaa. Avec de nombreux Européens, d'origine nord-africaine, il fréquente l'Université al-Imane, un établissement religieux fondé par Abdel Majid al-Zindani, un religieux fondamentaliste.

Allié à l'ancien président Ali Abdallah Saleh, ce religieux sunnite avait accès à des facilités pour obtenir des visas et organiser les séjours des étudiants étrangers.

L'Université al-Imane et d'autres établissements d'enseignement privés ont servi de vivier à Al-Qaïda au Yémen (Al-Qaïda dans la péninsule Arabique - AQPA, NDLR) où le réseau extrémiste sunnite a pu recruter des combattants étrangers.

La trace de Saïd Kouachi se perd entre 2010 et 2012, mais des responsables de sécurité yéménites pensent qu'il a séjourné et appris le maniement des armes pendant cette période dans le sud et le sud-est du pays où Al-Qaïda est bien implantée.

À l'Université al-Imane, Saïd Kouachi se faisait appeler Mohammed, se rappelle ce camarade de classe qui a parlé avec l'AFP sous le couvert de l'anonymat.

«Il était discipliné, calme et discret», dit ce Yéménite à propos du jeune français venu apprendre l'arabe et les sciences religieuses.

Il dit avoir perdu ensuite la trace de Saïd Kouachi, mais il affirme le retrouver en 2013 lors d'une offensive de miliciens chiites, appelés houthis, contre un centre d'études des salafistes à Dammaj dans la province de Saada, fief des chiites dans le nord du Yémen.

Selon un autre camarade, Saïd Kouachi a participé, les armes en main, avec de nombreux autres étudiants étrangers, à la défense du centre salafiste de Dammaj qui finira par tomber entre les mains des houthis en décembre 2013.

Accusés de faire du prosélytisme sunnite en plein «pays chiite», les salafistes sont entrés en conflit direct avec les miliciens chiites.

Les salafistes qui fréquentaient ce centre sont évacués sur Sanaa et Hodeïda (ouest du Yémen). Saïd Kouachi a fait partie d'une dizaine d'Européens évacués sur Sanaa, selon un responsable yéménite.

Selon un autre responsable yéménite, l'ambassade de France à Sanaa a refusé de prendre en charge les Français qui faisaient partie de ce groupe.

Le camarade yéménite de Saïd Kouachi dit alors avoir perdu tout contact avec lui et ignorer comment et quand il a pu rentrer en France.

Pour Laurent Bonnefoy, professeur à l'Université de Sciences Po à Paris et spécialiste du Yémen, la radicalisation de Saïd Kouachi serait antérieure à son arrivée au Yémen. «Le passage au Yémen n'est certainement pas l'élément déclencheur», dit-il.