Une grenade lancée contre une mosquée au Mans. Des coups de feu contre un autre lieu de culte musulman à Port-la-Nouvelle. Une explosion touchant un restaurant de kébabs à Villefranche-sur-Saône.

Moins de 24 heures après l'attentat contre Charlie Hebdo qui a fait 12 morts, au moins trois lieux liés à la communauté musulmane de France ont été la cible d'actes criminels, ce qui fait craindre une vague d'islamophobie à travers le pays.

Sur la scène politique, l'extrême droite française a saisi l'occasion pour promouvoir ses idées. Marine Le Pen, du Front national, demande le retour de la peine de mort et le comité politique du Bloc identitaire accuse les politiciens d'avoir laissé le pays s'islamiser.

Mauvais climat social

«Je ne suis pas surprise, ça fait un moment que le climat [social] est mauvais en France, dit Amandine Gay, une artiste et documentariste militante, jointe en France. La vague d'islamophobie a commencé avant les événements d'hier. Ça fait un an que des femmes voilées se font agresser dans la rue», ajoute-t-elle, rappelant que l'Observatoire national contre l'islamophobie a noté une augmentation des menaces et des actions islamophobes en France au cours des dernières années.

Mme Gay s'attend à ce que la situation se corse à travers l'Hexagone au cours des prochaines semaines. «Hier, plusieurs musulmanes ont été attaquées dans les transports en commun», note-t-elle.

Trouvant cette situation intenable, la jeune femme s'est rappelé l'initiative australienne #illridewithyou lancée sur les réseaux sociaux au lendemain de la prise d'otages de Sydney. Des internautes offraient aux musulmans de les accompagner dans les transports en commun. Quelques heures après l'attentat de Paris, Amandine Gay a lancé #voyageavecmoi. Rapidement, des centaines d'internautes lui ont emboîté le pas, invitant les musulmans à les rejoindre lors d'un trajet en bus ou en train.

«Un chauffeur de bus qui n'en pouvait plus de se faire insulter a demandé à une fille qui portait une affiche #voyageavecmoi sur son sac de faire le chemin avec lui», rapporte l'instigatrice.

Mme Gay n'est pas la seule à vouloir prévenir la recrudescence de la discrimination à l'égard des quelque 5 millions de Français de confession musulmane.

Ancien ministre de la Justice sous François Mitterrand, Robert Badinter a lancé une mise en garde à ses concitoyens. «Ceux qui crient «Allahou akbar» au moment de tuer d'autres hommes, ceux-là trahissent par fanatisme l'idéal religieux dont ils se réclament. Ils espèrent que la colère et l'indignation qui emportent la nation trouvera chez certains son expression dans un rejet et une hostilité à l'égard de tous les musulmans de France. Ainsi se creuserait le fossé qu'ils rêvent d'ouvrir entre les musulmans et les autres citoyens», a écrit M. Badinter hier.

Flambée européenne

Religiologue à l'Université du Québec à Montréal, Frédéric Castel note que la crainte de l'islam gagne du terrain dans toute l'Europe depuis plus de 10 ans. «Sur le long terme, il y a eu une montée forte. Les taux augmentent après un événement comme le 11-Septembre, et redescendent un peu quand les choses se calment», dit l'expert.

Après les attentats, M. Castel note un regain de vie des groupes d'extrême droite sur le web. «Les groupes d'extrême droite et les groupes intégristes sont un balancier. Quand l'un des deux fait quelque chose, il donne du pouvoir à l'autre», note-t-il.

M. Castel note que le Québec échappe pour le moment à cette dichotomie, ne comptant pas de groupes d'extrême droite et de groupes musulmans intégristes aussi visibles qu'en France et dans le reste de l'Europe.