L'un des suspects soupçonnés par la police d'avoir perpétré l'attentat contre l'hebdomadaire Charlie Hebdo est un ancien livreur de pizza lié aux milieux djihadistes français depuis une dizaine d'années et arrêté plus d'une fois dans le cadre d'enquêtes antiterroristes.

Les autorités françaises ont confirmé hier que les trois hommes dans leur ligne de mire sont Chérif Kouachi, 32 ans, son frère Saïd, 34 ans, ainsi qu'un certain Hamyd Mourad, âgé d'à peine 18 ans.

On sait peu de choses de ce dernier, hormis qu'il est décrit comme sans domicile fixe dans l'avis de recherche distribué aux policiers et que les autorités disent aussi ignorer son lieu de naissance.

Mais les frères Kouachi, eux, étaient bien connus des services antiterroristes français. Le magazine Le Point a cité une source policière selon laquelle ils ont «un profil de petits voyous qui se sont radicalisés».

Le plus jeune des deux avait été arrêté en 2005 lors du démantèlement d'une filière qui recrutait des jeunes dans le 19e arrondissement de Paris pour aller combattre dans la guerre civile en Irak. Au moins trois jeunes qui avaient fait le voyage étaient morts.

Chérif Kouachi avait été épinglé la veille de son départ prévu pour l'étranger. Le quotidien Le Monde, qui couvrait son procès pour «association de malfaiteurs en vue de préparer des actes terroristes», l'avait décrit comme un jeune à la carrure athlétique, aux cheveux mi-longs, vêtu de survêtements de sport et chaussé de baskets. «Il a plus le profil d'un fumeur de shit des cités que d'un islamiste», avait déclaré son avocat.

Un changement

La preuve présentée au procès avait permis de remonter le parcours du jeune homme qui, ayant perdu très tôt ses parents immigrés d'Algérie, a été envoyé avec son frère en foyer d'accueil à Rennes.

Chérif Kouachi avait abandonné l'école puis trempé dans la petite délinquance: vols, drogue. Il fumait et buvait, travaillait aussi légalement comme livreur de pizza. Mais après avoir rencontré des jeunes de son âge aux idées religieuses extrémistes, il avait changé, avouait-il lui-même.

«Avant, j'étais un délinquant. Mais après, j'avais la pêche, je calculais même pas que je pouvais mourir», a-t-il déclaré en cour. Il avait cessé de fumer, s'était mis à passer beaucoup de temps sur des sites web islamistes radicaux. Selon son avocat, il était très choqué par l'intervention américaine en Irak et les mauvais traitements infligés par les marines aux prisonniers d'Abou Ghraïb.

Avec des amis qui souhaitaient comme lui aller combattre là-bas, il s'entraînait dans le parc des Buttes-Chaumont, alternant jogging et théorie sur le maniement des kalachnikovs.

Chérif Kouachi avait finalement écopé en 2008 de 3 ans de prison, dont 18 mois avec sursis. Mais comme il avait subi une détention préventive avant le jugement, il avait déjà fini de purger sa peine lorsque le verdict a été prononcé. Il s'était dit soulagé d'avoir été arrêté, car la perspective de mourir au combat le terrifiait secrètement.

«Plus le départ approchait, plus je voulais revenir en arrière. Mais si je me dégonflais, je risquais de passer pour un lâche», avait-il déclaré en cour.

Toutefois, selon la police, il n'avait pas exclu tout recours à la violence. En 2010, il a été arrêté avec une douzaine d'individus de la région parisienne soupçonnés de préparer ce que le quotidien Le Parisien appelait une «opération commando». Le plan, selon l'enquête policière, était de faire évader un terroriste lié au Groupe islamique armé algérien et condamné pour sa participation à une vague d'attentats sanglants à Paris en 1995.

On ignorait hier soir à quel point les autorités françaises l'ont tenu à l'oeil depuis.