Vers 9h15 hier matin, les murs et le plancher de l'hôtel Thon, dans le quartier des institutions européennes à Bruxelles, ont tremblé. Les employés de l'établissement n'ont fait ni une ni deux: armés de bouteilles d'eau et de leurs bras prêts à réconforter, ils ont mis le cap vers la station de métro Maelbeek, cible d'un attentat qui a fait au moins 20 morts.

«Le métro est à 25 mètres de l'hôtel. On a vu les gens sortir. On a mobilisé notre équipe d'intervention interne», a raconté au téléphone le directeur général de l'hôtel de 405 chambres, Hans Van der biesen, joint par La Presse hier.

Autour d'eux, c'était la panique. Le choc. Des blessés étaient en sang. D'autres semblaient complètement désorientés. 

«On a essayé de rassurer les gens le mieux qu'on pouvait. De leur donner à boire. Dans une situation comme celle-là, ça aide beaucoup», a dit M. Van der biesen.

Sous leurs pieds, quelques minutes plus tôt, une explosion a éventré une voiture du métro. «Il y a eu un grand flash de lumière. Les vitres ont éclaté. Puis les portes du métro se sont ouvertes», a raconté une survivante en larmes à la télévision belge, quelques minutes après l'attentat. Comme les autres passagers, elle a été évacuée par les corridors du métro.

Selon la Société des transports intercommunaux de Bruxelles (STIB), la détonation a eu lieu dans la deuxième de trois voitures, alors que le métro quittait la station Maelbeek pour se diriger vers la station Arts-Loi, l'une des plus importantes de la capitale européenne.

L'attentat a eu lieu à l'heure de pointe, à un moment où des centaines de fonctionnaires de l'Union européenne débarquent à la station Maelbeek et à la station voisine, Schuman.

«C'est la guerre»

Quelques minutes après la déflagration, les pompiers sont arrivés sur place. Ils ont été confrontés à une scène d'horreur.

«C'est la guerre, c'est indescriptible», a dit Pierre Meys, porte-parole des pompiers de Bruxelles.

Les pompiers ont vite évacué les quelque 106 blessés, dont 17 graves, vers l'hôtel Thon, transformé en centre de triage pour l'occasion, et vers une autre clinique de fortune, campée dans une rue avoisinante. «Les services de secours ont installé leur centre d'opérations à l'hôtel. Je dirais qu'une quarantaine de blessés ont été amenés chez nous avant d'être envoyés dans les hôpitaux», a précisé Hans Van der biesen.

Estimant que lui et son personnel n'ont fait «que leur travail», l'hôtelier se dit néanmoins heureux de voir qu'aucun de ses employés n'a pris ses jambes à son cou. «Quand on est témoin d'un événement comme ça, on doit agir. Disons qu'on ne s'attendait pas à avoir une journée comme ça quand nous sommes arrivés au travail», a dit le directeur général, en remerciant le ciel que ses employés et ses clients soient tous sains et saufs.

À midi, soit à peine trois heures après l'attentat, tout était rentré dans l'ordre dans l'hôtel, et des psychologues se chargeaient de faire le suivi avec les témoins de la tragédie.

L'Union européenne visée

Le quartier européen est cependant touché au coeur. Selon une restauratrice jointe par La Presse, il fait peu de doute qu'en visant la station de métro Maelbeek, c'est à l'Europe unie que s'en prenaient les terroristes. Près du métro, on retrouve l'édifice principal de la Commission européenne, ainsi qu'une myriade d'institutions liées à l'Union européenne. «Nous sommes visés. L'Union européenne est visée», a dit à La Presse hier matin Dobra Keisi, jointe dans le restaurant italien de sa famille, Il Buongustaio, situé à moins de 250 mètres du métro.

Jean Quatremer, journaliste de Libération à Bruxelles, partage ce point de vue. Le reporter croit même que les terroristes visaient la station Schuman, principale station du quartier européen, tout récemment rénovée. «Mais selon des témoins à qui j'ai parlé, les autorités avaient fermé la station après l'attentat de l'aéroport. Ça aurait été un symbole très fort de se faire exploser à Schuman», a dit M. Quatremer, en notant que la station Maelbeek est la deuxième station en importance du quartier européen.

Hier, cette partie de la ville, habituellement grouillante de fonctionnaires et de politiciens européens, a été désertée. En matinée, la Commission européenne a demandé à ses employés de rester chez eux ou de se terrer dans leurs bureaux. En après-midi, alors que la vie reprenait lentement son cours, les drapeaux bleus et étoilés ont tous été mis en berne.

Un quartier sécurisé

Depuis les attentats de Paris en novembre dernier, qui ont mené à d'importantes chasses à l'homme à Bruxelles, notamment dans le quartier Molenbeek, la ville était sur les dents. Dans le quartier européen, des militaires étaient campés devant les grandes institutions, selon des témoins.

Vendredi dernier, quand des membres présumés du groupe État islamique ont été arrêtés à Bruxelles, de nombreux résidants de la ville ont poussé un soupir de soulagement. Salah Abdeslam - recherché pour son rôle dans les attentats de Paris - était parmi eux. «On pensait qu'après son arrestation, ça allait se calmer à Bruxelles, a affirmé Mme Keisi. C'était une farce.»