La nature des explosifs utilisés dans les attentats commis hier à Bruxelles figurera au coeur de l'enquête qui s'amorce.

«Il est impossible de tirer des conclusions sur la seule foi de l'ampleur de la destruction», souligne Jimmie Oxley, professeure de chimie et experte en explosifs à l'Université du Rhode Island. «Il faut faire une analyse chimique.»

Deux facteurs influent sur le choix de l'explosif utilisé par les terroristes, souligne-t-elle: la disponibilité du matériel pour fabriquer la bombe et les habiletés requises pour la construire.

À la suite de la revendication des attentats par le groupe État islamique, les premiers soupçons se portent naturellement vers le peroxyde d'acétone (TATP), l'explosif utilisé par les kamikazes dans les attentats qui ont fait 130 morts à Paris en novembre.

Il n'est pas nécessaire d'avoir accès à du matériel militaire pour fabriquer cet explosif : des produits en vente en pharmacie, aussi banals que du peroxyde d'hydrogène et du dissolvant à vernis à ongles, suffisent.

Inventé à la fin du XIXe siècle, le TATP a été utilisé dans de nombreux autres attentats au fil des ans, dont ceux du 7 juillet 2005 qui ont fait 52 morts à Londres lors d'explosions dans le métro et un autobus.

Une arme à double tranchant

Le TATP est toutefois une arme à double tranchant, souligne la professeure Oxley: facile à faire exploser volontairement, mais aussi facile à faire exploser accidentellement. «C'est pourquoi des fabricants de bombes peu formés se sont fait exploser dans le passé», dit-elle.

Compte tenu de l'instabilité du TATP, on peut en effet difficilement s'improviser artificier. «La fabrication d'une bombe efficace au TATP requiert une véritable formation, ce qui suggère qu'un faiseur de bombes qualifié a été impliqué dans le complot parisien, puisque les terroristes ont fait exploser plusieurs bombes», a déclaré l'expert des mouvements djihadistes Peter Bergen dans un témoignage devant le Congrès américain, une semaine après les attentats de Paris.

Selon M. Bergen, qui est directeur des programmes de sécurité nationale à la New America Foundation, un groupe de réflexion non partisan, «cela suggère aussi qu'il y avait un genre d'usine à bombes qui, à ce jour, n'a pas été découverte, parce que la fabrication de ce genre d'explosifs nécessite un espace réservé à cette fin».

Vestes ou valises?

Le souffle de la déflagration ne tue que les personnes situées à proximité, dit la professeure Oxley, surtout si la bombe se trouve dans une veste ou une ceinture, qui ne peuvent contenir qu'une quantité limitée d'explosifs. Le corps du kamikaze amortit également la puissance de l'explosion.

Il est par contre possible de cacher une bien plus grande quantité d'explosifs dans des valises, comme il semble que ce fut le cas à l'aéroport de Bruxelles.

La bombe peut aussi être rendue plus létale par l'ajout de fragments métalliques, note- t-elle: «On a vu de nombreux cas où les terroristes ont mis des clous dans la bombe.» Citant un porte-parole d'un hôpital universitaire de Louvain où ont été conduits des blessés, la télé flamande affirmait justement hier que les bombes de l'aéroport contenaient des clous. Et en soirée, la brigade antiterroriste a trouvé un drapeau du groupe État islamique et un engin explosif contenant des clous lors d'une perquisition dans la commune de Schaerbeek.

«Évidemment, ajoute la professeure Oxley, le souffle peut aussi porter des valises et des fragments de n'importe quel objet. Et si ça te frappe à un endroit vulnérable, la distance n'a plus d'importance : ça sectionne une artère et tu meurs.»