Raoul Delcorde s'est fait réveiller à 6h30 ce matin. Un appel téléphonique lui annonçait l'horreur, les attentats, les morts.

L'ambassadeur de la Belgique au Canada s'est précipité sur son téléviseur, pour avoir les dernières informations de la chaîne belge RTBF. «Je suis choqué, profondément choqué, ému et attristé, dit Raoul Delcorde. Je pense, comme tout être humain, qu'un proche est peut-être là. [...] C'est dramatique. C'est comme les événements de Paris. Et puis... et puis voilà.»

À son arrivée à l'ambassade, située au centre-ville d'Ottawa, le premier ministre canadien Justin Trudeau avait déjà exprimé sur Twitter ses condoléances aux familles des victimes et ses pensées pour la Belgique. «À peine étais-je arrivé à mon bureau que le ministre des Affaires étrangères Stéphane Dion m'a téléphoné, dit Raoul Delcorde en entrevue à La Presse. Le chef de cabinet du premier ministre m'a téléphoné. C'est ça, l'amitié, le soutien.»

Comme tous les Belges expatriés, l'ambassadeur tente d'avoir des nouvelles de ses proches à Bruxelles durant la matinée. Mais Raoul Delcorde doit aussi vivre l'une des journées les plus importantes de son mandat d'ambassadeur de la Belgique au Canada. «Bien sûr que je pense aux proches, mais je pense d'abord aussi à ma fonction et aux messages que je dois faire passer à nos amis canadiens qui s'inquiètent, se posent des questions. Le spectacle de l'attentat a de quoi effrayer, dit-il. Ce qui fait chaud au coeur, c'est que nos amis canadiens ont très vite réagi.» Durant sa conférence de presse en milieu d'après-midi, il notera aussi les drapeaux en berne au Québec. 

Raoul Delcorde pense aussi à sa femme, qui doit s'envoler demain pour Bruxelles. Un voyage planifié depuis longtemps. «Elle va y aller, je ne sais pas où elle va atterrir [l'aéroport de Bruxelles a été fermé]. Évidemment, vous me direz on ne peut pas détruire deux fois l'aéroport, quoi. Néanmoins, on se dit... En même temps, les terroristes, ce qu'ils veulent, c'est justement vous effrayer, vous empêcher d'avoir une vie normale, vous obliger à rester chez vous, il faut que la vie reprenne, les écoles vont rouvrir. Nous restons debout.»

Se tenir debout - c'est le message que veut lancer la Belgique aujourd'hui. 

«Il y a un élément irrationnel dans tout ça, dit l'ambassadeur de la Belgique au Canada. On se dit : mais est-ce que ça pourrait recommencer? Vous savez, le terrorisme, on pourrait en parler longuement, ce n'est pas quelque chose qu'on va régler en quelques jours. [...] On sait que c'est revendiqué par les mêmes auteurs qu'à Paris, on commence à quand même à comprendre le modus operandi et la gravité de la situation. Le premier ministre français a utilisé le terme "faire la guerre à Daesh [le groupe armé État islamique]". Normalement quand on fait la guerre on ne tue pas les civils. Eux, ils tuent les civils.»

S'il est tôt pour tirer des conclusions, la Belgique estime que la lutte au terrorisme passe notamment par la coopération entre les pays en matière de renseignement. «Je constate simplement que le renseignement est très important, que c'est un outil, dit Raoul Delcorde. Mon premier ministre l'a dit à maintes reprises, nous avons engagé des budgets très importants pour nos structures internes de renseignement. C'est la prévention. [...] Cet événement ne fait que renforcer la nécessité de mieux coopérer sur le plan du renseignement entre pays de l'OTAN et de l'Union européenne.» 

Mais pour l'heure, la Belgique entame trois jours de deuil national, qui se poursuivra jusqu'à jeudi soir. Le consulat de la Belgique à Montréal et l'ambassade à Ottawa ouvriront demain et jeudi des registres de condoléances pour les victimes. «Tout et chacun peut venir écrire un mot. C'est bien de le faire, de montrer ainsi sa solidarité», dit l'ambassadeur Delcorde.