Malgré des indices d'un glissement vers l'extrémisme de Tamerlan Tsarnaev, qui était connu du FBI, l'attentat de Boston montre combien il est difficile, voire impossible, d'empêcher les actes terroristes par des personnes isolées, mais déterminées, estiment des experts.

Les frères Tsarnaev sont soupçonnés d'avoir commis l'attentat qui a tué trois personnes et blessé 264 autres lors du marathon de Boston grâce à de simples cocottes-minutes remplies de billes métalliques, de clous et d'un explosif artisanal.

Tamerlan Tsarnaev, 26 ans, tué au cours de la traque policière, a été accusé par son cadet, Djokhar, d'avoir dirigé les attaques parce qu'il «voulait empêcher l'islam d'être attaqué», selon une source gouvernementale citée par CNN.

Sur son lit d'hôpital, le jeune homme de 19 ans a dit aux enquêteurs qu'ils n'avaient bénéficié d'aucun financement ou consigne d'un groupe étranger, croit savoir la chaîne ABC.

Le spectre d'un complot aux ramifications internationales, comme la plupart des attentats d'Al-Qaïda depuis quinze ans, semble s'éloigner au profit d'un acte de «loups solitaires» toutefois connectés à l'islam radical sur internet. Et ce n'est pas rassurant, jugent les spécialistes de l'antiterrorisme.

L'aîné, Tamerlan, a montré des signes croissants de radicalisme religieux dans la mosquée qu'il fréquentait à Cambridge, dans la banlieue de Boston, et il avait bien été interrogé par le FBI, à la demande de la Russie en 2011 avant de partir pendant cinq mois au Daguestan en 2012.

Mais, même si le FBI a pu passer à côté de ce voyage parce que son nom avait été mal orthographié lorsqu'il a pris l'avion, Tamerlan Tsarnaev n'avait rien fait d'illégal, plaide Philip Mudd, ancien numéro deux de la CIA et haut fonctionnaire du FBI.

«Nous avons une Constitution qui stipule que l'on peut être radical et parler de ce que l'on veut et, d'un point de vue pratique, même si on le voulait, on ne pourrait pas enquêter sur chaque extrémiste dans ce pays», poursuit Philip Mudd, expert en antiterrorisme.

L'émotion plus que l'idéologie

Une surveillance permanente est illusoire. «Ils sont tout simplement trop nombreux», a-t-il expliqué lors d'une intervention devant la Brookings Institution. Il faut donc selon lui étudier si ces «radicaux», au-delà de la simple consultation de sites internet extrémistes, sont versés dans la violence.

Ce qui, jusqu'à la semaine dernière, ne semblait pas le cas de Tamerlan Tsarnaev.

Un avis partagé par Joseph Young, criminologue à l'American University. Pour le FBI, «c'est un vrai défi et il n'est pas raisonnable de penser qu'il ait 100% de réussite», affirme-t-il à l'AFP.

Au-delà d'éventuelles proclamations jihadistes de la part de ces jeunes hommes d'origine tchétchènes, l'attentat de Boston paraît plus «défini par l'émotion que par l'idéologie», aux yeux de Philip Mudd.

«Pour moi, cela définit en grande partie ce à quoi l'on assiste dans cette transition des opérations type Al-Qaïda vers ses métastases et notamment ces gamins qui ont grandi ici», argue-t-il.

Les attentats d'Al-Qaïda «provoquaient bien plus de dégâts, mais le point positif est qu'ils étaient plus simples à prévoir» que les actions présumées des frères Tsarnaev, abonde Jospeh Young.

Marc Thiessen, de l'American Enterprise Institute, se demande pour sa part si Boston marque le début d'un nouveau type de terrorisme.

Après Boston, «il se peut que les chefs d'Al-Qaïda réalisent que des attentats à petite échelle comme celui-ci peuvent avoir le même impact qu'un attentat spectaculaire provoquant de nombreuses victimes», écrit-il dans une tribune parue dans le Washington Post.

«Si c'est le cas, c'est une très mauvaise nouvelle pour l'Amérique. Car il est impossible d'être partout tout le temps».

Bruce Riedel, ancien de la CIA et spécialiste du terrorisme à la Brookings Institution, fait le même constat: «On est loin de la magnitude du 11-Septembre, cela a pourtant monopolisé les médias américains et la vie politique depuis une semaine et entraîné la paralysie d'une ville entière».