L'«union nationale» prônée par le président socialiste François Hollande après l'attentat contre Charlie Hebdo, qualifié de «11-Septembre» français par la presse, était écornée jeudi par une polémique avec l'extrême droite qui a dénoncé son «exclusion» d'un grand rassemblement dimanche.

Le président français, dont la cote de popularité est très basse dans un contexte de crise économique et de chômage élevé, a multiplié jeudi les entretiens à l'Élysée avec les dirigeants politiques du pays, dont son prédécesseur de droite Nicolas Sarkozy (2007-2012), à la tête du parti UMP et qui se pose en rival de la gauche pour la présidentielle de 2017.

«C'était mon devoir de répondre à cette invitation» pour «montrer le climat d'unité nationale face à l'attaque menée par des fanatiques déterminés contre la civilisation, la République et contre des idées qui nous sont chères», a déclaré Nicolas Sarkozy à l'issue de la rencontre au Palais présidentiel, la première depuis la passation de pouvoir en mai 2012.

D'autres responsables de partis représentés au Parlement ont été reçus dans la journée.

François Hollande poursuivra ces consultations vendredi avec les principaux dirigeants des partis politiques ne disposant pas d'un groupe au Parlement : la présidente du parti d'extrême droite Front national, Marine Le Pen, le centriste François Bayrou et le président du parti de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon.

Signe de l'onde de choc dans le pays après la pire attaque en France depuis des décennies, l'union nationale a aussi été prônée dans l'organisation d'une «marche républicaine» dimanche à Paris, à l'appel de partis de gauche. Convié par le premier ministre Manuel Valls, le parti UMP de M. Sarkozy a annoncé jeudi qu'il y participerait.

Mais le Front national, qui accuse à la fois MM. Sarkozy et Hollande de laxisme sur l'immigration, n'avait pour l'heure pas été convié, provoquant l'ire de Marine Le Pen qui a dénoncé une «union nationale» de façade.

Une «escroquerie» selon le Front national

La présidente du parti d'extrême droite, dont les succès électoraux l'an dernier menacent la majorité socialiste au pouvoir comme l'opposition de droite dans la perspective des élections de 2017 a dénoncé son «exclusion» de la «marche républicaine» prévue en hommage aux 12 victimes de l'attaque contre l'hebdomadaire satirique, estimant qu'il n'y avait «plus d'union nationale».

«L'idée lancée par le président de la République d'une union nationale dont serait exclu un parti qui représente 25 % des Français transforme cette union nationale en une vaste escroquerie politicienne», a jugé Marine Le Pen auprès de l'AFP, à l'issue d'une réunion où ont été invités l'ensemble des partis politiques sauf le FN.

Alors qu'on lui suggérait que les organisateurs pourraient inviter tous les Français à participer sans distinction partisane, elle a répondu : «C'est ce qu'ils font dans les élections. On exclut le FN, mais on appelle les électeurs du FN à venir. En quoi c'est l'union ça?»

Manuel Valls a botté en touche jeudi, laissant entendre toutefois que le FN ne partageait pas les valeurs républicaines : «Ce qui m'importe, c'est que nous appréhendions ces individus et c'est l'unité nationale, parce que c'est la seule réponse possible. Mais l'unité nationale, c'est aussi autour des valeurs. Des valeurs profondément républicaines, de tolérance, de refus d'amalgames», a-t-il déclaré sur la radio RTL.

Un porte-parole du Parti socialiste, Olivier Faure, a néanmoins préconisé jeudi de n'«exclure personne» dimanche et le secrétaire général de l'UMP, Laurent Wauquiez, a affirmé à l'AFP que sa formation était «unanime» pour s'opposer à l'exclusion du FN de la marche de dimanche.

Selon le politologue Jérôme Sainte-Marie, si inviter le FN à l'Élysée n'est pas nouveau, le convier à un rassemblement «changerait tout» : «s'ils sont intégrés à l'arc républicain dans une période d'émotion nationale, de quel droit les rejeter ensuite?»

Jusqu'ici et notamment en 2014, le mandat du président socialiste a été surtout marqué par de vives contestations sur son cap économique et par un étalage sans précédent de sa vie privée avec la parution d'un livre à succès de son ex-compagne Valérie Trierweiler.

François Hollande a néanmoins bénéficié d'un large consensus sur sa politique étrangère, notamment lors de l'intervention de l'armée française au Mali et en Centrafrique.

Après la décapitation en septembre d'un touriste français, Hervé Gourdel, par des djihadistes en Algérie, qui avait profondément choqué l'opinion, le chef de l'État s'était aussi fortement impliqué sur la scène nationale, imposant notamment une mise en berne des drapeaux.