Le président François Hollande a rendu samedi un hommage solennel aux 86 victimes de l'attentat de Nice, en présence de l'ensemble de la classe politique française qui a mis ses différends entre parenthèses pour ce moment de recueillement.

Le chef de l'État a profité d'une cérémonie nationale, organisée sur les hauteurs de Nice trois mois après le drame, pour insister sur la nécessité d'union dans le pays, traumatisé par une série d'attaques djihadistes depuis janvier 2015 (238 morts).

«La visée monstrueuse des terroristes» consiste à «déchaîner la violence pour faire naître la division», mais «cette entreprise maléfique échouera: l'unité, la liberté, l'humanité, au bout du compte prévaudront», a-t-il estimé.

Pour lui, l'attaque du 14 juillet visait «l'unité nationale», mais aussi «l'hospitalité» d'une ville qui attire les touristes du monde entier avec sa «douceur de vivre». Chaque année, 11 millions de visiteurs, dont la moitié d'étrangers, se rendent en effet sur la Côte d'Azur.

Ce soir-là, un Tunisien, Mohamed Lahouaiej Bouhlel, a foncé avec un camion de location sur la foule venue sur la «Promenade des Anglais», en front de mer, admirer le traditionnel feu d'artifice du 14 juillet.

Quelques minutes plus tard, la police l'a abattu, mais il avait fait 86 morts, dont quinze mineurs, et plus de 400 blessés. Les victimes étaient de 19 nationalités, avaient entre deux et 92 ans, et un tiers étaient musulmanes.

L'attaque a été revendiquée par le groupe État islamique (EI) même si l'enquête n'a pas pu établir de liens entre son auteur et l'organisation djihadiste.

Le drame a fait voler en éclat l'union nationale qui avait prévalu lors des précédentes attaques djihadistes. L'opposition de droite et d'extrême droite, bien implantées dans le sud-est, ont immédiatement accusé le gouvernement socialiste de laxisme dans sa réponse antiterroriste.

Quatre jours après le carnage, le premier ministre Manuel Valls avait même été copieusement hué lors d'un rassemblement en mémoire des victimes à Nice.

Le drame a également creusé le fossé avec la communauté musulmane, estimée à trois ou quatre millions de personnes. Pendant l'été, plusieurs maires de la Côte d'Azur ont interdit le port du burkini (contraction de burqa et bikini) sur leurs plages, avant que la justice ne leur donne tort.

«À la pêche aux voix»

Mais samedi, l'heure était à la concorde. «En dépit des épreuves, des drames, des larmes, il n'y a ici pas de haine mais une volonté farouche de porter encore plus haut les valeurs d'humanité, de solidarité, de fraternité», a déclaré le président Hollande, écouté en silence par les centaines d'invités.

Parmi eux se trouvaient plusieurs candidats à la présidentielle de 2017, dont les prétendants à la primaire de la droite, l'ex-président Nicolas Sarkozy et l'ancien premier ministre Alain Juppé et, fait plus rare, la dirigeante de l'extrême droite, Marine Le Pen.

«J'attendais beaucoup de dignité, je suis très heureux, ému et fier que cette dignité ait été au rendez-vous», s'est réjoui le patron de la droite locale, Christian Estrosi, qui avait donné consigne à ses troupes de ne pas polémiquer.

Mais en dehors du quartier bouclé pour la cérémonie, des Niçois ont fait entendre une douleur et une colère intacte.

«Le blabla ne va pas ramener les morts», commentait Amel, une franco-tunisienne rescapé du carnage. «Même si ça rend hommage, j'ai préféré venir ici», ajoutait-elle, en pleurs, devant un mémorial improvisé près du lieu de l'attentat.

«Se redorer le blason sur un morceau de cadavre, c'est pas mal», ironisait aussi Christian, un Niçois de 69 ans en accusant les élus présents à la cérémonie «d'aller à la pêche aux voix».

L'impopulaire président Hollande, qui n'a pas encore fait savoir s'il briguerait un second mandat, a d'ailleurs profité de son discours pour tenter de rattraper une partie des dommages causés par la publication, cette semaine, d'un livre de confidences explosives à des journalistes.

Alors qu'il avait accusé les juges de «lâcheté» dans les échanges ayant nourri le livre, il a rendu un hommage appuyé aux magistrats intervenus le soir du drame de Nice.