Le présumé responsable de l'attaque de Nice a pris une photo de lui tout sourire dans la foule du 14 juillet, quelques heures avant de commettre l'irréparable, a assuré aujourd'hui son frère à l'agence de presse Reuters.

Jabeur Bouhlel, qui habite toujours en Tunisie, a reçu l'image de la part de son frère Mohamed Bouhlel au cours de l'après-midi, a-t-il dit.

«Il semblait très heureux et serein, il riait», a relaté Jabeur Bouhlel. Reuters n'a toutefois pas pu voir l'image ou vérifier son existence.

Les deux frères se seraient aussi parlé au téléphone. Il aurait mentionné «fêter la fête nationale avec ses amis», a relaté son frère.

Mohamed Lahouaiej-Bouhlel a quitté la Tunisie en 2005 pour s'installer en France. Depuis 48h, son père a indiqué que le trentenaire avait des problèmes de santé mentale.

Par ailleurs, les médias ont rapporté dimanche deux nouvelles interpellations, ainsi que la fin de l'interrogatoire de l'ex-femme du présumé responsable, après 48h de garde à vue.

Dix-huit victimes se trouvent toujours dans un état critique à l'hôpital. Dans une conférence de presse télévisée, la ministre française de la Santé, Marisol Touraine, a précisé qu'un enfant se trouvait parmi eux. Un seul blessé reste à être identifié, a-t-elle ajouté.

Depuis l'attaque, «près de 500 personnes ont été accueillies dans les cinq cellules psychologiques existantes», a déclaré Mme Touraine.



Les enquêteurs explorent la possibilité de complicités

L'auteur tunisien de l'attentat de Nice revendiqué par le groupe djihadiste Etat islamique a soigneusement planifié son attaque et envoyé des SMS peu avant à de possibles complices que les enquêteurs cherchent à identifier.

À la veille d'une minute de silence nationale aux 84 personnes tuées et d'un nouveau conseil de défense et de sécurité pour tirer les leçons de cet attentat, l'exécutif français continue d'être critiqué sur sa gestion antiterroriste.

Peu avant l'attentat de Nice jeudi soir, Mohamed Lahouaiej-Bouhlel a envoyé un SMS «se félicitant de s'être procuré un pistolet de calibre 7,65 et évoquant la fourniture d'autres armes», selon des sources proches du dossier.

Les enquêteurs se demandent si des armes supplémentaires étaient destinées au tueur et/ou à d'autres personnes et plus de 200 d'entre eux sont mobilisés pour «identifier l'ensemble des destinataires» des messages.

Parmi ces derniers, figure une photo du chauffeur-livreur tunisien de 31 ans «au volant du camion entre le 11 et le 14 juillet».

Selon une source proche des enquêteurs français, le Tunisien avait repéré les lieux avec son camion les 12 et 13 juillet avant le carnage du 14 juillet, jour de fête nationale en France.

Dimanche, sept personnes se trouvaient en garde à vue, après la levée de celle de l'épouse de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, dont il était séparé. Parmi elles, un Albanais de 38 ans, arrêté dimanche, est soupçonné d'avoir fourni le pistolet 7,65.

Radicalisation

Plusieurs témoins interrogés, parmi la centaine déjà entendue, ont par ailleurs évoqué pour la première fois la religiosité du Tunisien Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, inconnu des services de renseignement français. Son père avait affirmé qu'il n'avait «aucun lien avec la religion».

À en croire les premiers témoignages de voisins, l'assaillant, présenté par l'EI dans sa revendication comme «un soldat de l'Etat islamique», semblait avoir un profil de déséquilibré, multipliant les «crises» avec sa famille.

Selon le témoignage de l'un des hommes en garde à vue, rapporté à l'AFP par son avocat Jean-Pascal Padovani, le tueur était «intégré à Nice, il connaissait beaucoup de monde». Les clients d'une salle de sport que fréquentait l'assaillant ont pour leur part évoqué un «frimeur» et un «dragueur».

«Il semble qu'il se soit radicalisé très rapidement», avait déclaré samedi le ministre français de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve.

En fonçant à bord d'un poids lourd frigorifique sur la foule rassemblée sur la Promenade des Anglais à Nice, le tueur a écrasé ou renversé près de 300 personnes sur deux kilomètres. Parmi les morts figurent dix enfants et adolescents ainsi qu'au moins 17 étrangers.

Concernant les blessés, le pronostic vital de 18 personnes, dont un enfant, était toujours engagé dimanche. Au total 85 personnes sont toujours hospitalisées.

La communauté russe de Nice a payé un lourd tribut, selon ses représentants, avec «au moins une dizaine de personnes» tuées ou blessées.

«Français patriotes»

Huit mois après avoir décrété l'état d'urgence en France et adopté de nouvelles lois antiterroristes dans la foulée des attaques djihadistes du 13 novembre à Paris, le gouvernement socialiste a appelé samedi «tous les Français patriotes» à venir épauler les forces de sécurité.

Cet appel du ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, à rejoindre les réservistes de la police et la gendarmerie est la seule proposition nouvelle lancée par le pouvoir, acculé à réagir trois jours après le carnage.

L'ancien premier ministre Alain Juppé et candidat à la primaire pour la présidentielle de 2017, a de nouveau tiré dimanche à boulets rouges sur le gouvernement en estimant que la France pouvait «faire plus et mieux même si, bien sûr, le risque zéro n'existera jamais». Il a appelé à «passer à la vitesse supérieure» contre le terrorisme.

«Les Français attendent plus du président de la République et du gouvernement», a renchéri le président du Sénat Gérard Larcher (droite).

En réponse, le premier ministre socialiste Manuel Valls a mis en garde contre toute surenchère: «Remettre en cause l'État de droit, remettre en cause nos valeurs, serait le plus grand renoncement». Selon les autorités, «100 000 policiers, gendarmes et militaires sont mobilisés pour assurer la sécurité» en France.

Le «ras-le-bol» des Français face à la vague d'attentats se lisait toutefois dans les messages déposés sur la Promenade des Anglais à Nice. «Assez de discours !», «Marre des carnages dans nos rues !», «Arrêtons le massacre !», pouvait-on notamment lire. Dans plusieurs villes françaises, des rassemblements ou des messes en hommage aux victimes se sont tenus dimanche.

L'attentat de Nice est la troisième tuerie de masse en France, après ceux de janvier 2015 contre le journal satirique Charlie Hebdo, des policiers et des Juifs (17 morts) et du 13 novembre (130 morts à Paris et à Saint-Denis). Depuis 18 mois, plusieurs autres attaques ou tentatives ont aussi choqué le pays comme la mort de deux fonctionnaires de police tués à l'arme blanche en juin à leur domicile.

L'épouse du tueur avait été victime de violences répétées de son mari

L'épouse de l'auteur du carnage, sortie dimanche d'une garde à vue de 48 heures, a été victime de violences répétées et de harcèlement de la part de son mari, a annoncé dimanche son avocat.

Me Jean-Yves Garino, qui s'est entretenu avec cette mère de trois enfants, a indiqué qu'elle avait envisagé de se rendre avec toute sa famille au feu d'artifice du 14 juillet, mais qu'elle avait changé d'avis.

«Elle a eu deux jours de garde à vue. Elle était isolée, elle n'a pas perçu ce qui se passait à l'extérieur. Cette dame s'est retrouvée effondrée par l'acte commis par son mari, père de ses trois enfants», a-t-il dit à l'AFP.

«Elle avait subi des coups répétés de son mari, des violences physiques et du harcèlement. Le divorce était en cours. Il avait aussi frappé la mère de ma cliente. Des plaintes avaient été déposées», précise l'avocat.

Selon lui, elle n'a pas été témoin de l'éventuelle radicalisation de son mari. «Elle ne vivait plus avec lui, elle le croisait juste quand il venait voir ses enfants dans un jardin public».