La France est sous le choc, huit mois après les attentats de Paris: au moins 84 personnes, dont dix enfants, ont été tuées à Nice par un Tunisien, dont les liens avec l'islamisme radical sont sujets à caution.

«C'est un terroriste sans doute lié à l'islamisme radical d'une manière ou d'une autre» qui a lancé son camion jeudi soir sur une foule rassemblée pour la Fête nationale dans cette ville du sud-est de la France, a déclaré vendredi le premier ministre français Manuel Valls.

À la question «Est-ce que ce soir vous êtes en mesure de nous dire qu'il est lié à l'islam radical», son ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a cependant répondu «non» sur la chaîne TF1.

L'enquête va s'attacher à déterminer les motivations de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, ce père de famille de 31 ans, décrit par ses voisins à Nice comme n'ayant aucune pratique religieuse affichée, taciturne, violent notamment envers son ex-femme, voire comme un déséquilibré.

Pour le procureur de Paris, François Molins, patron des magistrats antiterroristes français, cette attaque meurtrière, non revendiquée, correspond «très exactement aux appels permanents au meurtre des jihadistes».

L'homme, un chauffeur-livreur, en instance de divorce, était «totalement inconnu des services de renseignement (...) et n'avait jamais fait l'objet de la moindre fiche ni du moindre signalement de radicalisation», a-t-il déclaré. Il était en revanche connu de la justice pour des «faits de menaces, violences, vols et dégradations commis entre 2010 et 2016».

Selon son père, il avait fait une dépression au début des années 2000 et n'avait pas de lien avec la religion.

«De 2002 à 2004, il a eu des problèmes qui ont provoqué une dépression nerveuse. Il devenait colérique, il criait, il cassait tout ce qui trouvait devant lui», a déclaré Mohamed Mondher Lahouaiej-Bouhlel à l'AFP devant son domicile dans la ville de Msaken, (est de la Tunisie).

Un habitant de son ancienne barre d'immeuble, où le tueur vivait avec son épouse avant d'en partir voici environ 18 mois, dresse le profil d'un déséquilibré: «Quand il s'est séparé de sa femme il a déféqué partout, trucidé le nounours de sa fille à coup de poignard et lacéré les matelas», a-t-il affirmé.

Les enquêteurs ont retrouvé à bord du camion frigorifique de 19 tonnes deux pistolets automatiques et des armes factices. Son ex-femme a été placée en garde à vue.

L'homme a été abattu par la police après avoir semé la mort sur deux kilomètres de la célèbre Promenade des Anglais, haut lieu touristique en bord de mer de la capitale de la Côte d'Azur. Des passants, parfois en larmes, affluaient vendredi pour y déposer fleurs et petits mots.

Plus de 200 blessés

Dix enfants et adolescents ont été tués, a précisé M. Molins. Le bilan total pourrait encore s'alourdir avec «202 blessés, dont 52 en état d'urgence absolue» qui sont «entre la vie et la mort», selon lui.

Au moins 17 étrangers ont trouvé la mort dans l'attaque, dont trois Allemands, deux Américains, trois Tunisiens et trois Algériens.

À Tunis, Berlin, Washington, Bamako ou encore Le Caire et Rome, la condamnation de cet attentat a été unanime et l'émotion partagée.

Barack Obama a dénoncé vendredi l'attaque «tragique et effroyable» à Nice, y voyant une attaque contre «la liberté et la paix».

«Nous n'en avons pas terminé» avec le «terrorisme», a déclaré le président François Hollande, alors que la France est frappée pour la troisième fois en 18 mois avec un bilan global de 231 morts et des centaines de blessés.

La foule venue admirer le traditionnel feu d'artifice du 14 juillet était estimée à 30 000 personnes quand le camion a foncé dans la foule peu avant 21H00 GMT.

«C'était le chaos absolu», «des gens hurlaient», a décrit un journaliste de l'AFP, Robert Holloway, qui assistait aux festivités.

Broyés par les roues

«Les gens étaient broyés par les roues, il y a deux petits de huit ou neuf ans qui sont morts à côté de nous», sous les yeux de leurs parents, a raconté Bachir, rencontré par l'AFP dans un hôpital niçois.

M. Hollande a décrété trois jours de deuil national, à partir de samedi. Une minute de silence sera observée lundi à 12H00 (10h00 GMT) dans le pays en hommage aux victimes.

Vendredi soir, Manuel Valls a nié toute faille des forces de sécurité.

L'opposition de droite n'a toutefois pas attendu pour critiquer l'action du gouvernement socialiste, jugée inefficace en matière de lutte antiterroriste.

«Si tous les moyens avaient été pris, le drame n'aurait pas eu lieu», a ainsi pointé Alain Juppé, ex-premier ministre candidat à la présidentielle de 2017.

M. Hollande doit tenir samedi un deuxième Conseil de défense, avant de réunir son gouvernement.

Le président français a annoncé une prolongation pour trois mois supplémentaires de l'état d'urgence. Ce régime d'exception, décrété après les attentats du 13 novembre, facilite notamment les perquisitions et l'assignation à résidence de suspects.

Le groupe État islamique (EI) menace régulièrement la France de représailles pour sa participation à la coalition militaire internationale dans ces deux pays.

Toutefois, les communiqués et publications de l'EI ne mentionnent pas vendredi la tuerie de Nice.

La coalition internationale conduite par les États-Unis va renforcer ses moyens militaires contre l'EI lors d'une réunion ministérielle le 20 juillet aux États-Unis, a annoncé M. Valls.

PHOTO ERIC GAILLARD, AP

Le président français François Hollande s'est rendu à l'hôpital Pasteur de Nice, le 15 juillet.