Salah Abdeslam est au coeur de la logistique et dans les secrets des tueurs des attentats du 13 novembre en France (130 morts et des centaines de blessés). S'il a promis de «s'expliquer ultérieurement», les perspectives pour l'enquête qu'ouvre son transfèrement en France dépendent de son niveau de collaboration.

Que peut révéler Salah Abdeslam?

Mis en examen mercredi pour assassinats à caractère terroriste et incarcéré à Fleury-Mérogis, dans la région parisienne, le seul survivant du commando parisien est une mine d'or potentielle pour les enquêteurs.

Il a partagé de nombreux secrets avec son ami Abdelhamid Abaaoud, organisateur présumé des attaques et tueur des terrasses, mort dans l'assaut policier de Saint-Denis, près de Paris, le 18 novembre.

Abdeslam pourrait aussi permettre d'identifier d'éventuels complices toujours dans la nature. Il est au coeur de la cellule djihadiste, ayant convoyé certains de ses membres à travers l'Europe, notamment Najim Laachraoui, kamikaze de Bruxelles, et Mohamed Belkaïd, tué lors d'une opération policière mi-mars en Belgique. Il a également récupéré en Allemagne Osama Krayem, complice des commandos de Bruxelles, et Ahmed A., alias Amine Choukri, arrêté avec lui dans la commune bruxelloise de Molenbeek.

Comment ont été recrutés les assaillants ? Qui a fourni les armes ? Qui a financé ? Avec son rôle-clé de logisticien, Abdeslam peut permettre de lever de nombreuses zones d'ombre sur l'organisation des attentats : c'est lui qui a loué des véhicules et des planques en région parisienne, acheté des déclencheurs à distance et 15 litres d'eau oxygénée, un composant de l'explosif TATP utilisé.

Il peut aussi se révéler précieux pour dénouer les liens entre les attaques de Paris et de Bruxelles fomentées par la même cellule. Était-il au courant de l'opération dans la capitale belge, perpétrée quatre jours après son arrestation ? Devait-il y participer ?

Qu'a-t-il dit à ce stade ?

Entendu à au moins deux reprises par les enquêteurs belges, Abdeslam n'est pas resté mutique, mais a fourni peu d'éléments et a même menti.

Il a confirmé sa présence à Paris le 13 novembre, indiquant qu'il devait «se faire exploser au stade de France», mais avait «renoncé».

Il a reconnu avoir loué des voitures ainsi que des chambres d'hôtel, mais assuré l'avoir fait à la demande de son frère Brahim, mort en kamikaze.

Il a aussi désigné Abaaoud comme «le responsable» des tueries, affirmant ne l'avoir rencontré qu'une seule fois. Or les deux hommes se connaissent depuis l'enfance et ont été condamnés pour un braquage en 2011.

Va-t-il chercher à minimiser son rôle?

Les déclarations de son avocat belge Sven Mary, qui le présentent comme «un petit con», «plutôt un suiveur qu'un meneur» à «l'intelligence d'un cendrier vide», peuvent le laisser penser.

Lui même s'est décrit comme un simple pion aux mains d'Abaaoud et de son frère Brahim, mais tous les deux sont morts.

«Il a tout intérêt à minimiser son rôle, car il ne peut espérer vu la gravité des faits une quelconque remise de peine», relève une source proche de l'enquête.

Mercredi, devant les juges français, il a promis de «s'expliquer ultérieurement», d'après son avocat français Frank Berton. Il aura l'occasion de le faire dès le 20 mai lors d'une première audition sur le fond.

Va-t-il s'amender ? Sven Mary a indiqué vouloir «en faire un repenti», mais il n'a pour l'instant pas émis de regrets pour les victimes.

«Il n'a pas non plus la personnalité et le charisme de celui qui veut se faire passer pour un héros de la cause djihadiste et se justifier à la face du monde», relève une source proche du dossier qui se demande si, au final, il ne risque pas de «ne donner que quelques éléments déjà connus».

Une instruction compliquée par les ramifications internationales

De nombreux interrogatoires l'attendent tant les questions sont nombreuses. Ces auditions pourront se faire au palais de justice de Paris, mais aussi par vidéoconférence depuis sa prison, comme le prévoit l'article 706-71 du Code de procédure pénale.

Une reconstitution de son périple le soir des attaques pourrait être envisagée ainsi que des confrontations. Ces dernières sont pour l'instant difficiles à organiser : hormis deux seconds couteaux en France, les autres inculpés sont actuellement incarcérés en Belgique, Turquie et Autriche.

PHOTO archives HET NIEUWSBLAD

Salah Abdeslam