Salah Abdeslam, seul survivant du commando djihadiste qui a fait 130 morts et des centaines de blessés à Paris le 13 novembre, a été inculpé mercredi par un juge français, notamment d'assassinat à caractère terroriste, et incarcéré dans une prison proche de Paris.

Lors de sa première comparution au palais de justice de Paris, Salah Abdeslam a assuré au juge antiterroriste qu'il allait «s'exprimer ultérieurement», selon son avocat Frank Berton, précisant qu'il sera interrogé le 20 mai sur le fond du dossier.

Détenu en Belgique depuis son arrestation le 18 mars, Salah Abdeslam avait été remis dans la matinée aux autorités françaises, en exécution d'un mandat d'arrêt européen délivré le mois dernier par la France.

Il a été transféré sous escorte du GIGN, unité d'élite de la gendarmerie française.

Le juge parisien l'a mis en examen (inculpé) d'assassinat et complicité d'assassinat à caractère terroriste, détention et usage d'armes et d'explosifs, et séquestration pour les faits commis dans la salle de spectacle du Bataclan.

Salah Abdeslam a été placé en détention à l'isolement à Fleury-Mérogis, la plus grande prison d'Europe au sud de Paris, dans une cellule équipée d'un dispositif de vidéosurveillance, a indiqué le ministre de la Justice Jean-Jacques Urvoas.

Représenté jusqu'à présent par l'avocat belge Sven Mary, Salah Abdeslam sera défendu en France par Me Berton, ténor du barreau, et un autre avocat français dont le nom n'a pas été rendu public.

Salah Abdeslam est le seul protagoniste direct des tueries du 13 novembre à avoir été arrêté vivant, après la mort des neuf assaillants, en kamikazes comme son frère Brahim ou abattus par les forces de l'ordre comme son ami d'enfance Abdelhamid Abaaoud.

S'il assure, via son avocat belge, qu'il n'était pas au courant des attentats de Bruxelles (32 morts), commis le 22 mars, quatre jours après son arrestation, il est en tout cas lié aux trois hommes qui se sont fait exploser ce jour-là et qui ont, eux aussi, un lien avec les attentats du 13 novembre, les plus meurtriers de l'histoire de France.

PHOTO ERIC FEFERBERG, ARCHIVES AFP

Selon des sources proches du dossier, il sera incarcéré à Fleury-Mérogis (photo), la plus grande prison d'Europe, située à une trentaine de kilomètres au sud de Paris.

«Un acteur majeur»

Âgé de 26 ans, né à Bruxelles, mais de nationalité française, Salah Abdeslam avait été arrêté le 18 mars à Molenbeek, commune de la capitale belge où il a grandi, après quatre mois de cavale.

Plusieurs hommes ont été inculpés en Belgique pour l'avoir exfiltré de Paris, au lendemain des attentats, puis caché à Bruxelles.

Proche du Belge Abdelhamid Abaaoud, que les enquêteurs considèrent comme l'organisateur des attentats du 13 novembre, Salah Abdeslam serait au coeur des préparatifs logistiques des tueries.

Et c'est lui qui a conduit en voiture les trois kamikazes qui se sont fait exploser aux abords du stade de France, en banlieue parisienne.

La suite est plus floue. En fin de soirée, il a garé le véhicule dans le nord de Paris, évoqué par l'organisation État islamique (EI) dans sa revendication et pourtant épargné.

Devait-il à son tour y mener une attaque? Au final, Salah Abdeslam a abandonné une ceinture explosive à Montrouge, à l'autre extrémité de la capitale, avant d'être emmené au petit matin par deux amis venus le chercher depuis Bruxelles.

Contrôlé ou repéré avec des protagonistes dans différents pays européens dans les mois ayant précédé les attaques, il est également soupçonné d'avoir participé, en amont, à la constitution des commandos.

Lors de son premier interrogatoire en Belgique, il a semblé vouloir minimiser son rôle, assurant avoir fait machine arrière alors qu'il aurait été missionné pour se faire sauter au Stade de France. Une position réaffirmée par son frère qui l'a vu en prison.

Il avait d'abord contesté sa remise à la France, avant de faire volte-face au lendemain des attentats de Bruxelles.

«C'est un acteur majeur des attentats du 13 novembre, il sait beaucoup de choses. Il a fait beaucoup de déclarations pour dire qu'il voulait et allait parler, j'espère qu'il restera dans cet état d'esprit», a réagi Georges Salines, président de l'association «13 novembre: fraternité et vérité», dont la fille a été tuée au Bataclan

Sur la radio BFM, Me Berton a souhaité «qu'il ait un procès équitable et soit condamné pour les choses qu'il a faites et non pour les choses qu'il n'a pas faites».

PHOTO MICHEL SPINGLER, ARCHIVES AP

Franck Berton

«Petit con de Molenbeek»

Sven Mary, l'avocat belge de Salah Abdeslam, a justifié mercredi les formules-chocs de «petit con de Molenbeek» ayant «l'intelligence d'un cendrier vide» qu'il a employées pour décrire son client dans un journal français.

«Tout le monde, à commencer par le procureur de la République de Paris, le considère comme l'un des principaux, voire le principal, organisateur des attentats de Paris, alors qu'il n'en a absolument pas les moyens intellectuels», a déclaré Sven Mary au quotidien La Libre Belgique, quelques heures après la remise à la France de ce suspect-clé des attentats dans la capitale française.

«C'est un petit con de Molenbeek, issu de la petite criminalité, plutôt un suiveur qu'un meneur. Il a l'intelligence d'un cendrier vide, il est d'une abyssale vacuité», avait assuré Sven Mary dans un entretien publié mercredi par le quotidien français Libération.

«Si j'avais dit au journaliste de Libération qui m'a interviewé il y a dix jours que Salah Abdeslam n'avait ni la tête, ni les épaules pour avoir imaginé, préparé, organisé les attentats scandaleux de Paris, la formule n'aurait pas percuté», a expliqué à La Libre Belgique Me Mary, interrogé en marge d'un procès où il plaidait devant la cour d'assises de Mons (sud-ouest).

«J'ai donc averti mon client, qui a marqué son accord, que j'allais utiliser une formule-choc pour faire passer notre message commun. D'où ces quelques images bien senties», a poursuivi l'avocat, connu pour ses formules-chocs et sa pugnacité.

«Aujourd'hui, on me les renvoie à la figure, on m'accuse d'avoir humilié M. Abdeslam, on laisse entendre que je le méprise et que je suis devenu plus son adversaire que son défenseur, mais, je le répète, j'assume, nous assumons ce que j'ai dit dans cette interview», a développé l'avocat bruxellois.

«C'était une façon spectaculaire de dire que M. Abdeslam ne peut être le concepteur des attentats et que j'attends toujours qu'on avance des éléments montrant qu'il pouvait l'être ou qu'il l'a été», a insisté le ténor du barreau, en précisant qu'il demeurait le conseil de Salah Abdeslam dans le volet belge du dossier.

En France, le djihadiste sera défendu par l'avocat lillois Franck Berton.

«Ce que je peux vous dire, c'est que c'est moi qui ai choisi Me Berton et que l'ai proposé à mon client comme défenseur, me basant sur ses qualités de juriste, sa rigueur, sa ténacité. M. Abdeslam a accepté et Me Berton, après que nous avons vu notre client à la prison de Beveren (nord), a décidé d'endosser sa défense», a encore expliqué Sven Mary.

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Sven Mary