Le projet de réforme de la Constitution française, décidé après les attentats de novembre, inclura la déchéance de nationalité pour les crimes et délits graves, ne contiendra «aucune référence à la binationalité», sujet controversé, et s'accompagnera de la ratification d'une convention internationale interdisant de créer des apatrides.

«Aucune référence à la binationalité ne figurera dans le texte constitutionnel ni a priori dans la loi ordinaire», a affirmé mercredi le premier ministre Manuel Valls, en présentant son projet de révision constitutionnelle à l'Assemblée nationale.

Cette subtilité d'écriture vise à ne pas «stigmatiser» les binationaux, après des semaines de débats qui ont déchiré la majorité socialiste et l'ensemble de la gauche.

De nombreux ténors du parti socialiste dénonçaient la reprise par l'exécutif d'une idée réclamée de longue date par l'opposition de droite et l'extrême droite, stigmatisant les Français de double nationalité et remettant en cause le droit du sol.

Mais l'absence de référence à la binationalité avait aussi été critiquée en raison du risque de créer des apatrides. Le premier ministre a donc annoncé que la France «s'engagera dans la ratification» de la Convention des Nations unies de 1961 interdisant la création d'apatrides.

Le respect de cette interdiction laisse entendre qu'en pratique la déchéance sera limitée aux binationaux, même si en théorie elle concernera tous les Français.

La rédaction initiale de cet article du projet de réforme constitutionnelle, présenté fin décembre en Conseil des ministres, prévoyait qu'une «personne née française qui détient une autre nationalité» puisse «être déchue de la nationalité française lorsqu'elle est condamnée pour un crime constituant une atteinte grave à la vie de la Nation».

M. Valls a par ailleurs annoncé une peine complémentaire de «déchéance de tout ou partie des droits attachés à la nationalité» (éligibilité, emploi dans la fonction publique, droit de vote...), qui pourrait selon son entourage concerner notamment les personnes n'ayant que la nationalité française, mais laissé à la libre appréciation du juge.

Le projet prévoit la possibilité de condamner à la déchéance de nationalité pour certains délits liés au terrorisme, et pas seulement les crimes terroristes, le gouvernement socialiste prenant ainsi en compte une demande de la droite et l'extrême droite. L'association de malfaiteurs à caractère terroriste, le financement direct du terrorisme ou l'entreprise terroriste individuelle seraient ainsi intégrés.

Quant à l'état d'urgence, même s'il est inscrit dans la Constitution, il restera un «régime d'exception» qui sera «nécessairement borné dans le temps», a assuré Manuel Valls. «Le constitutionnaliser ne revient bien sûr en rien à instaurer un état d'urgence permanent», a-t-il dit.

L'état d'urgence, entré en vigueur après les attentats et qui devrait être prolongé jusqu'à fin mai, renforce les pouvoirs de la police en permettant les assignations à résidence, les perquisitions administratives de jour comme de nuit, ou l'interdiction de rassemblements, le tout sans le contrôle d'un juge.