Le Conseil d'État, institution appelée à donner son avis dans la préparation des projets de loi en France, s'est prononcé contre la prolongation de mesures d'exception pendant six mois après la fin de l'état d'urgence, dans un avis révélé jeudi par Le Monde.

L'avant-projet de loi constitutionnelle proposé par le gouvernement, intitulé « de protection de la Nation » à la suite des attentats qui ont fait 130 morts à Paris le 13 novembre, prévoit que « certaines des mesures qui avaient été mises en oeuvre pendant l'état d'urgence puissent avoir des effets après la fin de l'état d'urgence, pendant une durée maximale de six mois ».

Le Conseil d'État considère que si l'inscription de l'état d'urgence dans la loi fondamentale a un « effet utile », la prolongation de ses effets au-delà de la période déterminée par la loi n'est pas judicieuse.

« L'objectif poursuivi pourrait être plus simplement atteint par l'adoption d'une loi prorogeant une nouvelle fois l'état d'urgence, tout en adaptant les mesures susceptibles d'être prises à ce qui est exigé par les circonstances », estime-t-il.

Retirer sa nationalité à un binational 

S'agissant de la possibilité de déchoir de la nationalité française des binationaux condamnés pour actes de terrorisme, le Conseil d'État émet un « avis favorable », tout en faisant part de nombreuses réserves.

La loi actuelle permet déjà une telle sanction pour les binationaux, mais uniquement lorsqu'ils ont été naturalisés français dans les quinze ans précédant une condamnation pour un acte terroriste. Si le projet de l'exécutif était entériné, il serait aussi possible de retirer sa nationalité à un binational né en France et condamné pour des faits à caractère terroriste.

Dans son avis, le Conseil d'État considère que le principe de la déchéance de nationalité « devrait être inscrit dans la Constitution, eu égard au risque d'inconstitutionnalité qui pèserait sur une loi ordinaire ».

Il juge également que cette mesure aurait une « portée pratique limitée », car elle aurait notamment « peu d'effet dissuasif sur les personnes décidées à commettre » des attentats.

Pour autant, par cette mesure l'exécutif poursuit un « objectif légitime », tranche la plus haute juridiction de l'ordre administratif dans cet « avis favorable ».