Malgré une vaste opération antiterroriste, hier soir, les Bruxellois restent aujourd'hui confrontés à une menace «sérieuse et imminente» d'attentats terroristes, dans une capitale aux allures de ville désertée.

La police belge a interpellé 16 personnes lors d'une série de perquisitions menées à Bruxelles et ailleurs en Belgique, dans le cadre de l'enquête sur la menace terroriste qui pèse sur l'agglomération de 1,2 million d'habitants.

Elles n'ont toutefois pas permis de mettre la main sur des armes ou des explosifs, pas plus que sur Salah Abdeslam, recherché pour sa participation présumée aux attentats du 13 novembre à Paris.

Au total, 19 perquisitions ont eu lieu dans 6 communes de Bruxelles, dont celle de Molenbeek, où vivait Abdeslam jusqu'aux attaques parisiennes, et 3 autres dans la ville de Charleroi, a indiqué le parquet fédéral dans une conférence de presse très courue, à minuit trente, heure locale.

Deux coups de feu ont été tirés à Molenbeek lors d'une perquisition dans un casse-croûte. Un automobiliste a foncé dans une voiture de police avant de prendre la fuite. Blessé, il a été intercepté peu après. Les autorités ignorent si l'incident est lié ou non à l'opération qui était en cours.

Dans un communiqué lu aux médias massés dans une salle minuscule du parquet fédéral, les autorités ont exprimé leur volonté de «traquer sans relâche» Salah Abdeslam; on sait qu'il est rentré en Belgique dans la nuit suivant les attentats, après avoir abandonné une voiture dans le 18e arrondissement.

Ils ont toutefois refusé de répondre aux questions et n'ont donc pas commenté les informations du Soir, qui rapporte qu'Abdeslam aurait été repéré près de la ville de Liège vers 19h30, hier, à bord d'une BMW. Le journal affirme que l'homme de 26 ans, dont le frère Brahim s'est fait exploser à Paris il y a 10 jours, aurait réussi à s'enfuir par une autoroute vers l'Allemagne.

Un juge d'instruction décidera aujourd'hui s'il ordonne ou non le maintien en détention des personnes qui ont passé la nuit en prison.

Niveau d'alerte maintenu

Les frappes ont été lancées quelques heures après que le gouvernement belge eut annoncé que le niveau d'alerte maximal en vigueur ce week-end serait maintenu dans l'agglomération bruxelloise pour la troisième journée consécutive, aujourd'hui, en raison de la menace d'attentats semblables à ceux de Paris.

En plus du métro, déjà fermé pendant la fin de semaine, toutes les écoles et universités de Bruxelles resteront portes closes, a indiqué le premier ministre Charles Michel.

Le gouvernement régional a pour sa part ordonné la fermeture des crèches et reconduit celle des centres commerciaux, des lieux de divertissement, des marchés et des installations sportives. «Les mesures adoptées, tout à fait exceptionnelles et temporaires, ont, nous le savons, surpris et parfois ébranlé une partie de nos citoyens», a reconnu le ministre-président de la région de Bruxelles, Rudi Vervoort.

Pas moins de 12 000 appels ont été faits au numéro d'information du Centre de crise fédéral dans la seule journée d'hier, signe de l'incertitude qui règne à Bruxelles, où d'importantes manifestations dominicales, comme les puces ou le marché du Midi, l'un des plus grands en Europe, ont été annulées hier.

Si les touristes s'amusent à faire des égoportraits devant les blindés de l'armée disséminés un peu partout dans la ville, les habitants, eux, sont souvent inquiets. Au cirque Bouglione, près de l'Atomium, à peine une centaine de places ont trouvé preneurs, hier, sur les 1300 disponibles.

«Le but des terroristes, c'est de faire peur, a dit Omid, un père de deux enfants croisé près de la gare centrale. Ils ont réussi. Moi, je ne sors plus mes enfants.»

La ministre de l'Éducation, Joëlle Milquet, n'a pas écarté que la fermeture des écoles puisse se prolonger au-delà d'aujourd'hui. «On ne badinera pas avec la sécurité des enfants et des élèves, a-t-elle dit. On n'ouvrira que lorsqu'on sera apaisé en matière de sécurité.»

On n'en est de toute évidence pas encore là. Le Soir a rapporté samedi que les enquêteurs étaient sur la piste de deux hommes, dont l'un transporterait une bombe semblable à celles qui ont été actionnées à Paris. Mais selon le New York Times, qui cite un ex-officier du renseignement proche de l'enquête, les autorités belges recherchent en fait entre 8 et 10 individus en possession d'armes et d'explosifs.

«Nous réitérons l'appel à la prudence et à la vigilance et donnons l'assurance que nous mettons tout en oeuvre afin que nous puissions retourner à une vie normale le plus rapidement possible», a dit le premier ministre Michel au terme de la rencontre du Conseil national de sécurité.

Une vie normale qui ne saurait revenir trop tôt pour les Bruxellois, devenus en quelque sorte otages de leur propre ville.