L'un des kamikazes qui ont fait détonner leur ceinture explosive près du Stade de France, le 13 novembre, aurait emprunté la route des réfugiés syriens pour rallier l'Europe. L'homme aurait profité de la faiblesse des mesures de sécurité en Grèce pour utiliser un faux passeport afin de se rendre jusqu'à Paris et commettre son attentat.

Les faits : les empreintes digitales de l'un des kamikazes des attentats de Paris concordent avec celles prélevées le 3 octobre en Grèce auprès du détenteur du passeport syrien retrouvé près de son corps.

Les doutes : le passeport indique que le kamikaze s'appellerait Ahmad Al Mohammad, né le 10 septembre 1990 à Idleb, à 60 km au sud-ouest d'Alep, dans le nord de la Syrie.

L'usage du conditionnel s'impose sur l'identité réelle du kamikaze, puisque la ministre française de la Justice, Christiane Taubira, a affirmé que son passeport est probablement faux. De nombreux documents contrefaits circulent en effet en Turquie, où un marché noir s'est mis en place, puisque de nombreux réfugiés n'ont pas réussi à fuir avec leurs véritables papiers.

Les autorités serbes ont d'ailleurs intercepté samedi un homme au camp de Presevo avec un passeport au nom d'Ahmad Al Mohammad en sa possession. Son document comportait les mêmes date et lieu de naissance que le kamikaze de Paris, mais affichait une photo différente, rapporte le quotidien serbe Blic.

L'identité figurant sur le passeport pourrait correspondre à celle d'un soldat de Bachar al-Assad tué il y a plusieurs mois, a appris mardi l'AFP de source proche de l'enquête.

Tous les éléments correspondraient à un soldat des troupes loyales à Bachar al-Assad, selon la source qui avance deux hypothèses sans tirer de conclusion: ce passeport a été récupéré ou bien il s'agit d'un document fabriqué à partir d'une véritable identité.

Malgré les doutes sur l'authenticité du document, celui-ci permet tout de même de retracer une importance partie du parcours de l'homme qui s'est fait exploser au Stade de France. Les autorités grecques ont ainsi confirmé que les empreintes concordent avec celles d'un homme arrivé dans l'île de Leros le 3 octobre. Comme des centaines de milliers de migrants avant lui, il est arrivé par la mer Méditerranée, dans une petite embarcation où s'entassaient 198 personnes.

Le choix de l'île de Leros n'aurait pas été fait au hasard, a admis le secrétaire d'État à l'Immigration de la Grèce, Ioannis Mouzalas. Celle-ci est moins achalandée que les autres îles grecques comme Lesbos, et aucun expert en détection de documents contrefaits n'y est en poste.

De l'île de Leros, celui qui se faisait appeler Ahmad Al Mohammad a entrepris un périple de 3300 km à travers l'Europe pour se rendre en France. Son passeport a été contrôlé en Serbie, puis en Croatie, avant de refaire surface à Paris, le soir du 13 novembre.

Le flot de réfugiés se maintient

Malgré les craintes maintenant soulevées par l'itinéraire emprunté par ce kamikaze pour se rendre en France, le flot de réfugiés est loin de se tarir, alors que l'arrivée du froid rend le périple de plus en plus dangereux. Le ministre serbe des Questions sociales, Aleksandar Vulin, a affirmé hier que 5600 migrants syriens ont traversé la Serbie dimanche. Un train avec 1200 réfugiés était prévu hier. D'autres sont attendus pendant l'hiver.

Le ministre Vulin a indiqué que les mesures de sécurité seraient resserrées, mais qu'il était difficile de bien filtrer les gens mal intentionnés. Il a d'ailleurs lancé un appel à l'ouverture malgré les attentats de Paris. « Ce ne sont pas tous les musulmans qui sont des terroristes. Tous les migrants ne sont pas des terroristes, point à la ligne. »

- Avec l'Associated Press et l'Agence France-Presse

Itinéraire

10 septembre 1990, Idleb, Syrie

Le passeport d'Ahmad Al Mohammad retrouvé près du corps du kamikaze indique qu'il est né à Idleb, près d'Alep, dans le nord de la Syrie. Il s'agirait toutefois d'un faux document, comme en témoigne l'arrestation samedi en Serbie d'un homme utilisant un passeport syrien avec les mêmes nom, date et lieu de naissance.

3 octobre 2015, Île de Leros, Grèce

Ahmad Al Mohammad arrive dans l'île grecque de Leros à bord d'une embarcation qui transportait 198 personnes. Ses empreintes digitales sont alors prises lorsqu'il s'enregistre comme réfugié, a affirmé le secrétaire d'État à l'Immigration de la Grèce, Ioannis Mouzalas. Ces empreintes concordent avec celles prélevées sur le kamikaze de Paris. Le choix de Leros ne serait pas fortuit, le gouvernement grec ayant admis qu'aucun expert en contrefaçon n'y est en poste.

5 octobre, Port du Pirée, Grèce

À peine deux jours après son arrivée en Grèce, l'homme prend un traversier pour se rendre sur le continent européen. Sa présence a été enregistrée au port du Pirée, près d'Athènes.

7 octobre, Presevo, Serbie

Après avoir traversé la Grèce, puis la Macédoine, Ahmad Al Mohammad entre en Serbie par le village de Presevo, où son passeport est contrôlé.

8 octobre, Opatovac, Croatie

L'homme traverse rapidement la Serbie puisque dès le lendemain, il franchit la frontière croate à Opatovac.

Octobre

Les autorités n'ont plus de traces d'Ahmad Al Mohammad à partir de ce moment, les contrôles étant moins importants. Tout indique qu'il aurait suivi le flot de réfugiés tentant de rallier l'Allemagne. À ce moment, les migrants transitaient par la Hongrie - qui a fermé sa frontière le 17 octobre -, puis l'Autriche avant d'aboutir en Allemagne.

13 novembre, Paris, France

Le passeport d'Ahmad Al Mohammad est retrouvé à côté du corps de l'un des kamikazes qui se sont fait exploser près du Stade de France. Les empreintes digitales concordent avec celles prises à Leros, en Grèce, un mois plus tôt.