La Belgique, où sept personnes ont été arrêtées en lien avec les attaques de Paris, apparaît comme un sanctuaire accommodant pour les islamistes radicaux, malgré les efforts pour éradiquer un phénomène qualifié de « gigantesque » par le premier ministre Charles Michel.

Deux Français ayant résidé à Bruxelles, dont l'un dans la commune bruxelloise de Molenbeek, considérée comme un havre pour les jihadistes, figurent parmi les auteurs des attentats meurtriers de vendredi soir à Paris, et ils sont « décédés sur place », a indiqué dimanche le parquet fédéral belge.

La justice a par ailleurs lancé un mandat d'arrêt international contre Salah Abdeslam, qui vivait à Molenbeek, et son frère Mohammed, arrêté samedi dans les rues de ce quartier populaire alors qu'il revenait de Paris, est toujours en garde à vue. Le troisième de cette fratrie, Ibrahim, serait mort après avoir actionné sa ceinture d'explosifs dans le XIe arrondissement de Paris à proximité d'un café.

Les enquêteurs sont remontés jusqu'aux trois frères grâce à « deux voitures immatriculées en Belgique », retrouvées près de la salle de concert parisienne du Bataclan, où 89 personnes ont été tuées, et en proche banlieue parisienne, selon le parquet belge. « Ces deux véhicules ont été loués en début de semaine dans la région bruxelloise », a-t-il précisé.

La Belgique, petit pays de 11 millions d'habitants est aussi, en Europe, celui qui compte le plus grand nombre de volontaires partis combattre en Syrie ou en Irak, proportionnellement à sa population. Quelque 494 « jihadistes belges » ont été identifiés : 272 sont en Syrie ou en Irak, 75 sont présumés morts, 134 sont revenus et 13 sont en route, selon la Sûreté de l'État, les services de renseignement belges.

« Europe sans frontières »

Mais ce qui frappe, c'est que la Belgique, malgré le renforcement de sa législation antiterroriste, le démantèlement de filières de recrutement et de cellules terroristes depuis les années 1990 et les condamnations qui ont suivi, reste un havre relativement sûr pour les jihadistes.

« L'Europe est devenue sans frontières, donc il est normal qu'ils (les auteurs d'attentats) en profitent aussi. Mais il faut faire en sorte que nous ne soyons plus une base pour ceux qui partent faire la guerre en Europe », a déclaré dimanche le bourgmestre (maire) de Bruxelles, Yvan Mayeur.

La commune voisine de Molenbeek-Saint-Jean où vit une importante communauté musulmane, dont une minorité de militants radicaux, est plus que jamais dans l'oeil du cyclone.

« Dans cette petite minorité, il y a des figures connues au plan européen, qui attirent des gens, un peu comme le "Londonistan" pouvait en attirer il y a 15 ans », a expliqué à l'AFP un analyste spécialisé dans les questions de terrorisme, Claude Moniquet.

« Je constate qu'il y a presque toujours un lien avec Molenbeek, qu'il y a un problème gigantesque. Les mois passés, beaucoup d'initiatives ont déjà été prises dans la lutte contre la radicalisation, mais il faut aussi plus de répression », a reconnu le premier ministre belge.

« Nous allons travailler de manière intense avec les autorités locales. Le gouvernement fédéral est prêt à fournir plus de moyens », a promis M. Michel.

« Faire le ménage »

Le ministre de l'Intérieur Jan Jambon a promis de « faire le ménage » dans ce quartier populaire qui jouxte certaines rues branchées du centre de Bruxelles.

Le gouvernement devrait présenter dans la semaine un « plan d'action » pour Molenbeek, aux contours encore flous. « Je ne pense pas qu'avec des mesures "soft" on pourra résoudre le problème », a averti M. Jambon.

Au total, sept personnes ont été interpellées en Belgique depuis samedi, dont au moins cinq à Molenbeek, dans le cadre du volet belge de l'enquête sur les attentats de Paris. La police belge a également procédé à une série de perquisitions à Molenbeek, y compris dimanche selon les médias.

C'est aussi à Molenbeek qu'avaient séjourné en 2001 les assassins du commandant Massoud, en Afghanistan, tout comme Hassan El Haski, condamné pour avoir été l'un des concepteurs des attentats de 2004 à Madrid (191 morts et 1.800 blessés), ou encore Mehdi Nemmouche, le principal suspect de l'attentat au Musée juif de Bruxelles en mai 2014.

L'auteur de l'attaque en août du Thalys Amsterdam-Paris, Ayoub El Khazzani, y avait séjourné chez sa soeur avant de prendre le train. Enfin, une cellule terroriste démantelée en janvier à Verviers (est) avait également des attaches à Molenbeek.

« Ils ne viennent pas tous d'ici et, la plupart du temps, ils ne sont que de passage », s'est défendue Françoise Schepmans, la bourgmestre libérale de Molenbeek.

« Dans certains quartiers, la population est très dense, composée de personnes d'origine maghrébine à 80 %. L'anonymat est plus facile pour les gens de passage dotés de très mauvaises intentions », a expliqué Mme Schepmans. « Ils débarquent aussi dans des quartiers où le terreau de radicalisation est fertile ».