Premier repas chaud en 27 jours hier et musique merengue pour tromper l'ennui: l'ordinaire s'améliore pour les 33 mineurs captifs de la mine de San José, au Chili. Leur mésaventure, incomparable et difficile à imaginer même pour des mineurs d'expérience, est suivie avec intérêt par deux confrères québécois à qui La Presse a parlé hier.

Dans les entrailles de la Terre, c'est l'obscurité totale. Mais le silence, lui, n'est jamais complet. De l'eau qui ruisselle, un caillou qui roule, le bruit d'une foreuse même lointaine... «Ce bruit devrait être rassurant pour eux», dit le mineur Marcel Collard. «Ils avaient sûrement entendu, avant qu'on les trouve, le bruit du trou qu'on a creusé pour laisser passer la sonde.»

Marcel Collard s'est déjà retrouvé seul dans le noir, après que la lampe de son casque eut cessé de fonctionner, mais sa mésaventure n'a duré «que quelques heures».

«On n'y voit rien, rien du tout, même pas la main devant le visage. Il n'y a rien à faire à ce moment que s'asseoir et attendre», se souvient celui qui est aujourd'hui responsable des sauvetages miniers pour la mine Iamgold, à Preissac, à quelque 180 km au nord-ouest de Val-d'Or.

«Il n'y a pas plus noir que ça», confirme Roger Fortin, ancien mineur et sauveteur, qui a sondé les souterrains de la Gaspésie, de l'Abitibi et du Grand-Nord. «Il faut attendre qu'on vienne nous chercher. Le danger est trop grand de se perdre et de se retrouver dans une galerie dangereuse.»

Roger Fortin faisait partie de l'équipe de sauveteurs qui sont intervenus à la mine Gaspé en 1987, quand un incendie a forcé 17 mineurs à se réfugier dans un abri. Les secouristes ne les ont trouvés que 36 heures plus tard. «Des mineurs de 200, 250 lb qui nous serrent dans leurs bras et qui ont des larmes, c'est assez impressionnant!»

Les mineurs québécois suivent avec intérêt l'opération San Lorenzo, qui vise à sortir les mineurs chiliens emprisonnés sous terre. L'estimation à trois ou quatre mois du temps qu'il faudra pour atteindre les infortunés, à l'aide d'une foreuse capable de progresser de 15 m par jour, leur paraît réaliste. «Peut-être que, certains jours, ils arriveront à faire 20 m, dit Roger Fortin. Mais ils peuvent aussi tomber sur de la roche très dure.» «Ou un sol friable, dans lequel la foreuse pourrait rester coincée, ajoute Marcel Collard. Tout est possible.»

Repas chaud et merengue

Pendant ce temps, à 700 m sous terre, dans la mine de San José, «les 33» ont eu droit à leur premier repas chaud depuis 27 jours: riz avec poulet ou viande hachée. Un signe d'un ordinaire amélioré et surtout de leur capacité de digérer, a déclaré le responsable de l'équipe médicale, Jorge Diaz, à l'agence AFP. Mardi, ils avaient mangé leurs premiers sandwichs jambon-avocat.

Les 33 mineurs vont mieux, comme l'a montré une nouvelle vidéo diffusée mardi. On les voit vêtus de t-shirts neufs, rasés de près pour certains, bruyants, riant et écoutant de la musique, avec un «bon moral», selon leurs familles.

«Ils étaient en train d'écouter J'espère qu'il va pleuvoir du café (du Dominicain Juan Luis Guerra). Ils vont tous bien. Ils demandent juste qu'on les sorte vite», a commenté Cristian Zamora, frère du mineur Victor, après projection des images aux familles.

Le ministre de la Santé, Jaime Manalich, a réaffirmé que les 33 sont au courant du délai qu'il faudra pour les sortir de là. «On leur a dit qu'on parle des derniers jours de novembre ou des premières semaines de décembre, et qu'on veut tous qu'ils soient avec nous pour Noël. Et je crois que cela ne les a absolument pas surpris.»

Des experts de la NASA aidaient au suivi des 33 hier à Copiapo. Parmi eux, un ingénieur spécialiste en communication et lumière. «Avec l'aide de la NASA, nous allons simuler la lumière du jour et de la nuit et séparer en zones l'espace de vie», a déclaré Manalich.

Les experts de la NASA ont recommandé avant tout d'être «honnête» avec les mineurs sur les délais, sans pour autant leur donner une date précise, qui risque d'être modifiée. Et ils ont déconseillé alcool et tabac. «Pour ce qui est de l'alcool, nous devons tout d'abord améliorer leur alimentation avant d'envisager quoi que ce soit d'autre», a expliqué le chef de mission Michael Duncan.

Avec l'AFP

Photo: AFP

Un exemple du premier repas chaud envoyé aux mineurs, mercredi: riz, viande et kiwis.