L'Italie a une nouvelle fois dénoncé le manque d'entraide européenne sur l'accueil des migrants, en dépit des déclarations de solidarité de Paris et Berlin mercredi à l'occasion d'un sommet tripartite à Trieste.

«L'Italie a fait et continuera à faire sa part dans les secours et l'accueil (des réfugiés, NDLR). Mais elle se bat dans le même temps pour que la politique migratoire ne soit pas confiée à quelques pays seulement et qu'elle soit partagée par toute l'Union européenne», a déclaré le chef du gouvernement italien, Paolo Gentiloni.

Depuis plusieurs semaines, l'Italie exhorte ses partenaires européens à apporter une «contribution concrète» pour endiguer les départs mais surtout à ouvrir leurs ports aux bateaux chargés de migrants, ce qu'ils refusent toujours de faire.

Plus de 4600 migrants ont été secourus ces derniers jours au large de la Libye, venant s'ajouter aux 85 000 déjà arrivés depuis le début de l'année, et le sujet a dominé la rencontre de M. Gentiloni avec Emmanuel Macron et Angela Merkel.

L'afflux migratoire record de ces derniers mois en Italie, où les prochaines législatives sont prévues pour au plus tard début 2018, met le gouvernement de centre gauche de M. Gentiloni sous la forte pression de l'opposition populiste et de droite.

M. Gentiloni a plaidé pour «une politique migratoire commune, de plus en plus partagée» : «une intervention (économique, NDLR) en Afrique, la coopération en Méditerranée et en Libye, un travail commun pour orienter les activités des ONG» qui portent secours aux migrants en mer.

Affirmant sa «solidarité» avec l'Italie, M. Macron a concédé que sur le sujet des migrants, la France n'avait «pas toujours pris sa part». «Je veux dire ici que nous sommes en train d'accélérer les relocalisations et que nous continuerons à le faire».

Son premier ministre, Édouard Philippe, a annoncé mercredi la création de 12 000 places d'hébergement supplémentaires pour les demandeurs d'asile et les réfugiés d'ici à 2019.

Réfugiés ou migrants économiques

Le plan présenté par M. Philippe prévoyant en même temps une plus grande fermeté à l'égard des personnes qui sont déboutées de leur demande de bénéficier du droit d'asile, M. Macron a tenu à souligner la différence entre «réfugiés politiques et migrants économiques».

«À chaque fois que des réfugiés, des gens à qui on octroie l'asile, sont identifiés, la France doit pouvoir les accueillir», a-t-il assuré, tout en expliquant que l'UE ne pouvait pas «accueillir des femmes et des hommes qui, pour des raisons économiques, cherchent à venir vivre dans nos pays».

Pour M. Gentiloni, «la distinction que fait M. Macron est légitime», mais les «grandes migrations (...) parfois provoquées par des désastres climatiques ou économiques ou des guerres (...) ne peuvent pas être ignorées», a-t-il affirmé, déplorant des «résultats encore insuffisants» face à ces défis.

La chancelière allemande, dont la décision en 2015 d'ouvrir la porte à des centaines de milliers de demandeurs d'asile essentiellement syriens est loin de faire l'unanimité dans son pays, a pour sa part insisté sur la coopération économique avec les pays africains d'où proviennent la majorité des migrants arrivés en Italie.

«Tous les trois, nous sommes d'avis que nous devons avant tout nous occuper de combattre les causes des migrations», a-t-elle déclaré, évoquant un partenariat avec le Niger et la nécessaire «stabilisation politique de la Libye», afin que les migrants puissent y séjourner «dans des conditions dignes».

Les trois dirigeants ont également souligné la nécessité de poursuivre la construction d'une Europe plus unie et solidaire.

Leur rencontre précédait un sommet de sept pays de l'UE et de six pays des Balkans occidentaux en présence de responsables de la Commission européenne.

Ce sommet de Trieste est le quatrième du genre et s'inscrit dans le cadre d'une série de réunions dites du «processus de Berlin», entamé en 2014 pour encourager les réformes et le développement dans les pays des Balkans occidentaux, qui ont tous engagé une procédure en vue d'adhérer à l'UE.

M. Macron s'est dit favorable à «un rapprochement» entre les pays des Balkans et l'UE, «dans le cadre d'un dialogue qui va vers un élargissement».