Le chef du Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR), Filippo Grandi, a décrit dimanche à l'AFP des conditions de vie «épouvantables» dans les centres de rétention pour migrants en Libye, et appelé à la libération des demandeurs d'asile et réfugiés détenus.

M. Grandi a effectué une visite surprise de quelques heures dans ce pays en proie à un chaos persistant depuis la chute de la dictature de Mouammar Kadhafi en 2011. Il s'agit d'une première depuis sa prise de fonctions en tant que patron du HCR début 2016.

«J'espère tout d'abord que les demandeurs d'asile et les réfugiés quittent ces centres de détention», a dit le responsable onusien à des journalistes, après s'être rendu dans un centre de rétention de Tripoli.

Il a indiqué qu'il comprenait les inquiétudes des autorités libyennes en matière de sécurité. Mais, selon lui, «d'autres solutions» devraient être trouvées pour les migrants venant de pays en conflit comme les Syriens ou les Somaliens.

Interceptés ou sauvés en Méditerranée lors de leur traversée vers l'Europe, des milliers de migrants sont détenus dans une quarantaine de centres de détention en Libye, dans des conditions très difficiles.

La situation dans ces centres est «épouvantable», a par la suite renchéri Filippo Grandi dans un entretien accordé à l'AFP à Tunis.

Se disant «choqué», il a décrit des conditions de vie «exécrables d'un point de vue sanitaire», avec des «personnes qui dorment les unes sur les autres».

M. Grandi a toutefois souligné avoir rencontré plusieurs responsables du gouvernement d'union de Fayez al-Sarraj, assurant qu'ils avaient fait part de leur souhait de coopération sur la question.

Dans un communiqué publié à Genève, le HCR a indiqué avoir obtenu jusque-là la libération de plus de 800 réfugiés vulnérables et demandeurs d'asile, au cours des dix-huit derniers mois.

«Agir vite»

À Tripoli, le patron du HCR a par ailleurs souligné avoir recueilli des «témoignages très très difficiles» sur des cas d'esclavage moderne de la part de «gangs et d'éléments criminels». Il a encore parlé de témoignages «épouvantables».

Dans ces conditions, «même dans une situation politique et militaire difficile», «nous devons aider la Libye autant que possible», y compris au niveau des communautés locales et des municipalités qui sont souvent le niveau le plus indiqué», a-t-il dit.

Plus généralement, ce déplacement visait à proclamer que «le temps est venu» pour les agences onusiennes «de renforcer leur présence et leurs activités» en Libye, a affirmé à l'AFP Filippo Grandi.

Alors qu'il travaille actuellement avec des équipes réduites sur le terrain, le HCR espère notamment être en mesure de réinstaller à plein temps, d'ici quelques semaines, du personnel étranger en Libye.

Après avoir relevé que l'urgence s'appliquait aussi aux «500 000» déplacés libyens, M. Grandi a exprimé sa vive «inquiétude» sur la hausse des tentatives de traversée en Méditerranée centrale. «C'est pourquoi il nous faut agir vite en Libye», a-t-il noté.

Depuis le début de l'année, l'Italie a vu arriver plus de 46 000 migrants sur ses côtes, soit une hausse de plus de 30% sur un an. Dans le même temps, au moins 1244 personnes ont trouvé la mort au large de la Libye, selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM).

Alors qu'il se rendra lundi et mardi en Italie, le chef du HCR a rendu hommage au travail des ONG.

«Il y a beaucoup de discussions en Europe (sur le rôle des ONG). Que ces ONG participent de manière significative aux opérations de secours, Dieu merci! Nous ne devons jamais perdre de vue que sauver des vies est la première des priorités», a-t-il avancé.

Photo Ismail Zitouny, Reuters

Le haut commissaire Filippo Grandi discute avec des migrants.