Symbole de la détermination de Paris à raser le camp de migrants de Calais, le démantèlement des tentes et baraques de cet immense bidonville dans le nord de la France a débuté mardi après l'évacuation de plus de 4000 personnes en deux jours.

Vêtus de combinaisons oranges, des ouvriers ont commencé à démonter ou à détruire à la scie électrique une partie des abris insalubres, de toile ou de bois, qui abritaient jusqu'à ces derniers jours entre 6000 et 8000 migrants rêvant de passer en Angleterre.

Entre matelas empilés, couvertures ou casseroles, d'autres équipes ramassaient les déchets avec des tractopelles, pour déverser leur contenu dans des bennes, ont constaté les journalistes de l'AFP.

Ce déblaiement, qui avait été annoncé pour la matinée, a été décalé à l'après-midi afin de pouvoir mobiliser suffisamment de policiers pour parer à tout incident. Il a été suspendu à la tombée de la nuit.

Les forces de l'ordre ont continué parallèlement à encadrer les départs en autocars vers 451 centres d'accueil, répartis dans toute la France.

Au total, 4014 personnes ont été «mises à l'abri» en deux jours, selon les ministères de l'Intérieur et du Logement, sur les 6400 à 8100 migrants que comptait la «Jungle», pour la plupart venus d'Afghanistan, du Soudan ou d'Erythrée.

En deux jours, 3242 majeurs ont quitté le camp en bus et 772 mineurs ont été relogés dans les conteneurs du centre d'accueil provisoire (CAP), dont 1264 majeurs et 372 mineurs sur la seule journée de mardi.

«Il y a une forme de soulagement importante et conséquente», a réagi la maire de droite de Calais Natacha Bouchart.

Si quarante-cinq autocars étaient mobilisés pour la journée, seuls 33 sont finalement partis, signalant un moindre nombre de volontaires que la veille. Beaucoup de migrants ne veulent pas renoncer à leur rêve de gagner l'Angleterre, dont les côtes font face au port de Calais.

photo Pascal Rossignol, REUTERS

Un migrant passe devant un abri en flammes, dans la jungle de Calais, le 25 octobre.

Sélection au faciès

Point de tension avec Londres, les dossiers des mineurs isolés continuaient à être examinés. Sur les 1300 enfants et adolescents recensés dans le camp, 500 disent avoir de la famille en Grande-Bretagne.

Beaucoup tentaient encore mardi de se faire enregistrer mais leur progression était ralentie par un filtrage opéré pour vérifier leur âge.

«C'est une sélection au faciès qui n'est pas acceptable», a déploré Médecins sans frontières (MSF).

«Il n'y a pas de tri au faciès, si ce n'est écarter les manifestement majeurs du dispositif», a répliqué Pierre Henry, le directeur général de France Terre d'Asile, l'association mandatée pour cette sélection.

«233 sont passés en Grande-Bretagne» depuis le début de la semaine dernière, dont 33 ce mardi, a-t-il souligné.

Le ministre français de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a assuré lundi que le Royaume-Uni «accueillera(it) tous ceux dont les attaches familiales en Grande-Bretagne sont établies». Les autorités britanniques étudieront aussi les dossiers de mineurs isolés sans liens familiaux «mais dont l'intérêt supérieur serait de rejoindre ce pays», a-t-il ajouté.

REUTERS

De 6400 à 8100 hommes, femmes et enfants venus pour la plupart d'Afghanistan, du Soudan ou d'Érythrée vivaient jusqu'alors sur le terrain boueux où affluent depuis des années ceux qui rêvent de gagner l'Angleterre, de l'autre côté de la Manche.

Ville fantôme 

Vidé d'une bonne partie de ses occupants, le camp prenait des airs de ville fantôme. Les rues animées par de petites échoppes il y a encore une semaine étaient abandonnées, sales, jonchées de tentes vides et crevées.

Au début des travaux, deux incendies, l'un d'une maisonnette, l'autre d'un abri, se sont produits quasi simultanément près du CAP, rapidement maîtrisés. Jusque tard dans la soirée, plusieurs incendies d'abris divers se sont déclarés dans la «Jungle», nécessitant l'intervention des pompiers, encadrés par des CRS.

Lors du démantèlement de la zone sud en mars, de tels actes s'étaient déjà produits, certains migrants incendiant les abris qu'ils s'apprêtaient à quitter.

«Jungle, finish», «La «Jungle», c'est fini», a admis Hassan, un Afghan, avant de quitter le petit abri qui lui servait d'échoppe. «Je prends le bus», a-t-il ajouté.

Son compatriote Sahir, 33 ans, semblait rasséréné par l'appel d'un ami parti la veille vers un centre d'accueil. «Il m'a dit que c'était bien, que pour moi ce serait bien». Lui a renoncé à passer en Grande-Bretagne après s'être plusieurs fois blessé en tentant de monter dans un camion.

Mais il reste des «irréductibles», qui «partiront avant» la fin du démantèlement de la «jungle» pour disparaître dans la nature et tenter leur chance, assure-t-il.

Pour Salim, un autre Afghan, «la «Jungle» restera». «Cela fait 17 ans, il y aura une autre «Jungle» ailleurs».