La presse australienne a publié mercredi des documents rapportant des centaines de cas d'abus à l'encontre des migrants refoulés par l'Australie et relégués sur l'île de Nauru, dont les organisations de défense des droits de l'Homme dénoncent régulièrement la situation.

Plus de 2000 rapports sont parvenus au quotidien The Guardian Australia sur des agressions, des sévices sexuels et des souffrances morales dont les migrants, parmi lesquels des enfants, auraient été victimes.

Selon le journal, ces rapports ont été écrits par des membres du personnel du centre de détention de Nauru où se trouvent quelque 442 personnes.

Parmi les cas cités par le journal, des gardes auraient menacé de mort un garçon et une jeune femme n'aurait été autorisée à prendre une douche plus longue qu'en échange de faveurs sexuelles.

Les migrants sont dans un tel état de souffrance morale qu'une femme a tenté de se pendre et qu'une fille s'est cousu les lèvres.

Une fillette a écrit sur son cahier d'école en 2014 qu'elle était «fatiguée» et voulait «mourir».

Le Guardian, selon lequel il s'agit de la plus grosse fuite de documents de l'intérieur des services de l'immigration, indique que les enfants constituent plus de la moitié des victimes dans les 2116 rapports analysés.

Le Haut-Commissariat aux Réfugiés s'est déclaré «gravement préoccupé» par ces accusations,  soulignant avoir constaté et rapporté «une détérioration progressive» de la situation des réfugiés et demandeurs d'asile sur l'île de Nauru au cours de ses visites régulières depuis 2012.

Des travailleurs sociaux et éducateurs travaillant pour l'organisation Save the Children ont corroboré les faits décrits.

«Le fait que ces informations aient été rendues publiques nous autorise à parler», ce qui est sans précédent, a souligné une ancienne travailleuse sociale, Natasha Blucher.

L'ancienne enseignante de Save the Children Jane Willey, qui a reconnu avoir rédigé certains rapports, a déclaré à l'AFP que la dégradation continue de l'état physique et psychique des enfants avait été l'un des pires aspects de son travail.

«Ce que vous voyez là n'est que la partie émergée de l'iceberg», a déclaré Mme Willey, qui a travaillé sur l'île de Nauru entre juillet 2014 et mars 2015.

Le premier ministre australien Malcolm Turnbull a déclaré que ces documents seraient examinés pour «voir s'il y a des plaintes ou des questions qui n'ont pas été traitées de façon adéquate».

Mais le gouvernement a soutenu qu'il s'agissait d'allégations, et affirmé qu'il ne changerait pas sa politique à l'égard des migrants.

L'Australie essuie régulièrement les foudres d'organisations de défense des droits de l'Homme pour sa politique très dure envers les demandeurs d'asile.

Sa marine repousse systématiquement les bateaux de clandestins. Ceux qui parviennent à gagner ses côtes sont placés dans des camps de rétention au large, à Manus, en Papouasie Nouvelle-Guinée et à Nauru, minuscule État insulaire du Pacifique, ou sur l'île Christmas, dans l'océan Indien, le temps que leur demande d'asile soit instruite.

Même si leur demande d'asile est jugée légitime, Canberra ne les autorise pas à s'installer en Australie.

La semaine dernière, Amnistie internationale et Human Rights Watch avaient accusé l'Australie de délibérément fermer les yeux sur les abus à l'encontre des réfugiés sur l'île de Nauru pour dissuader les demandeurs d'asile de tenter de rejoindre son territoire.

Des médecins, des avocats et de nombreuses organisations de défense des droits de l'Homme ont maintes fois dénoncé par le passé ce système de déportation, et les conditions de vie des réfugiés dans ces territoires à l'abri des regards extérieurs.