La Turquie se dépêchait samedi de préparer des centres d'enregistrement pour les migrants qui doivent être renvoyés dans le pays depuis la Grèce, conformément à l'accord UE-Ankara destiné à réduire le flux migratoire et qui entre en vigueur lundi.

Les autorités turques attendent le retour de migrants syriens ou d'autres nationalités, qui ont traversé la mer Égée en direction de l'Union européenne, conformément à cet accord controversé signé le 20 mars, mais les détails étaient rares sur les conditions précises de ces retours.

Quelque 750 migrants devraient quitter l'île grecque de Lesbos vers le port turc de Dikili, entre lundi et mercredi, à bord de deux navires turcs opérés par l'agence Frontex, avançait samedi l'agence de presse grecque ANA.

«Nous continuons les préparatifs», s'est contenté de dire à l'AFP le responsable grec interministériel de la gestion migratoire, Yorgos Kyritsis, interrogé à ce sujet.

Des élus locaux de Dikili, situé juste en face de Lesbos, ont fait savoir qu'ils préparaient un centre d'accueil pour les migrants renvoyés de Grèce. Mais des images diffusées sur la chaîne turque NTV vendredi montraient un terrain vide sur le site envisagé.

Selon le quotidien Milliyet, en attendant que ce centre soit prêt, les premiers migrants pourraient être accueillis dans un complexe sportif de la ville.

Plus au sud, des travaux ont été lancés dans la station balnéaire de Cesme (province d'Izmir), qui fait face à l'île grecque de Chios, l'une des destinations ciblées par de nombreux migrants, a indiqué son maire.

Conduites d'eau et câbles électriques étaient installés dans un espace de 500 m2 près du port, qui servira de centre, a précisé le maire Muhittin Dalgic à l'agence Anatolie. Il comptera des tentes dans lesquelles des fonctionnaires pourront prendre les empreintes des migrants et les enregistrer, et des sanitaires.

«Qu'ils ne restent pas longtemps»

Les responsables turcs insistent sur le fait que ces centres ne sont que des lieux de transit à partir desquels ils pourront être rapidement envoyés dans des camps de réfugiés.

«Une fois qu'ils sont enregistrés et que leur état de santé a été vu, ils seront envoyés vers des camps», précise le maire de Cesme. «Nous ferons en sorte que ce processus soit rapide, pour qu'ils restent aussi peu longtemps que possible».

Les villes côtières très fréquentées de l'ouest de la Turquie redoutent qu'un afflux soudain de migrants ne fasse fuir les touristes, à quelques mois de la saison estivale.

En attendant, le Croissant-Rouge turc prépare un nouveau camp de réfugiés d'une capacité de 5000 personnes plus loin dans les terres, à Manisa (ouest), le premier camp situé ailleurs que dans le sud et l'est du pays, pour faire face aux nouvelles arrivées, rapporte samedi la presse turque.

L'accord entre l'UE et la Turquie, qui accueille déjà 2,7 millions de réfugiés syriens, prévoit de «réinstaller», pour chaque migrant repris par Ankara, un Syrien dans un pays européen.

L'Allemagne a affirmé vendredi qu'un premier groupe de Syriens en provenance de Turquie, principalement des familles avec des enfants, était attendu dès lundi.

Les termes de l'accord sont vivement contestés par les ONG et Amnesty International a affirmé que la Turquie ne pouvait plus être considérée comme un «pays sûr» pour les réfugiés syriens.

Amnesty accuse Ankara de forcer illégalement une centaine de réfugiés syriens à retourner dans leur pays ravagé par la guerre chaque jour. Et selon elle, une partie des réfugiés renvoyés de Grèce vers la Turquie risquent de subir le même sort.

Peter Sutherland, conseiller spécial de l'ONU sur les migrations, s'est inquiété samedi que l'accord UE-Ankara soit «illégal», notamment s'il met en pratique des «expulsions collectives sans regard pour les droits individuels de ceux qui affirment être des réfugiés». Il espère aussi que les réfugiés syriens seront protégés à leur retour en Turquie avec «l'assurance de ne pas être expulsés ensuite vers la Syrie».