Quelque 13 000 migrants s'entassaient samedi à la frontière entre la Grèce et la Macédoine dans des conditions d'hygiène déplorables, à l'avant-veille d'un sommet entre l'UE et la Turquie jugé crucial pour un règlement de la crise migratoire.

La chancelière allemande Angela Merkel a de son côté exhorté la Grèce à rattraper son retard dans l'hébergement des réfugiés, tout en appelant de nouveau à la « solidarité » de l'UE envers Athènes.

« Il y a 13 000 personnes ici et près de 20 000 dans cette préfecture, soit plus de 60% de la population entière de migrants dans ce pays », a déploré Apostolos Tzitzikostas, gouverneur régional de la préfecture grecque de Macédoine, à la télévision Skai, alors qu'il supervisait des opérations de distribution de nourriture au poste-frontière gréco-macédonien d'Idoméni.

« Nous ne pouvons plus supporter ce poids seuls », a dit M. Tzitzikostas, qui souhaite que le gouvernement grec déclare la zone en situation d'urgence.

Pour Mme Merkel, « la Grèce devait avoir créé 50 000 places d'hébergement pour les réfugiés avant la fin 2015. Le retard doit être comblé au plus vite ».

« L'Union européenne doit et va soutenir la Grèce de façon solidaire », a ajouté la chancelière, dans une interview à paraître dimanche dans Bild.

Le nombre de candidats à l'asile - surtout des Syriens, des Irakiens et des Afghans - bloqués dans toute la Grèce progresse en raison de la fermeture de sa frontière par la Macédoine et des mesures restrictives prises par des pays des Balkans, jusqu'à l'Autriche.

Plus de 30 000 migrants sont bloqués dans le pays où des ONG s'activent pour leur porter assistance.

Médecins sans Frontières (MSF) a commencé samedi à monter des tentes pour plus de 1000 personnes supplémentaires alors que de nombreux migrants dorment sans abri dans des champs humides ou des fossés, a rapporté un journaliste de l'AFP.

Ces derniers jours, des migrants syriens ou irakiens notamment ont manifesté devant la barrière de barbelés empêchant le passage en Macédoine, surveillée par la police anti-émeutes.

Hussam, un Syrien de 25 ans, explique que les migrants attendent beaucoup du sommet UE-Turquie lundi à Bruxelles.

« En ce moment, nous restons calmes parce que nous espérons une issue favorable lundi et qu'ils nous aideront à passer », dit-il. « Si cela ne se produit pas, je ne sais pas ce qui va se passer », ajoute-t-il.

« Cela fait 15 jours que je ne me suis pas lavé », souligne Almuthanna, un mécanicien irakien âgé de 35 ans, bloqué avec sa famille.

« L'un de mes fils est malade et il n'y a pas de médicaments. C'est aussi la guerre, mais on ne vous tue pas par balle, c'est plus lent », a-t-il déclaré à l'AFP.

Au cours des deux dernières semaines, la Macédoine a entrouvert à plusieurs reprises sa frontière, ne laissant passer que quelque 2000 migrants, soit autant que les nouveaux arrivants en Grèce depuis la Turquie en seulement deux jours.

Environ 200 personnes ont franchi la frontière entre vendredi et samedi, mais les opérations sont retardées pendant des heures par la police macédonienne qui conteste les documents remis aux réfugiés par la police grecque.

Athènes construit de nouvelles structures d'accueil des réfugiés, mais beaucoup préfèrent se rendre à la frontière dans l'espoir de poursuivre leur périple et y restent bloqués pendant des semaines.

Athènes a évalué auprès de l'UE ses besoins à 480 millions d'euros pour gérer l'accueil de 100 000 réfugiés au total. Selon un haut responsable des migrations à l'ONU, le nombre de réfugiés bloqués en Grèce devrait atteindre les 70 000 dans les prochaines semaines.

La Bulgarie, qui reste pour l'instant à l'écart du flux de migrants à travers les Balkans, va déployer plus de 400 hommes à sa frontière avec la Grèce pour prévenir une possible hausse de la pression migratoire, a annoncé le premier ministre Boïko Borissov.

Lors du sommet lundi, l'UE espère obtenir de la Turquie des efforts pour enrayer le flot des candidats à l'exil, tandis qu'Ankara espère en échange une accélération de sa procédure d'adhésion à l'Europe.

Mais la mise sous tutelle musclée du quotidien d'opposition Zaman vendredi par les autorités turques jette une ombre sur ce sommet.

Le commissaire européen à l'élargissement, Johannes Hahn, s'est déclaré « extrêmement préoccupé par les derniers développements autour du journal Zaman, qui mettent en danger les progrès de la Turquie dans d'autres domaines ».