Des centaines de migrants ont tenté lundi de passer en force la frontière entre la Grèce et la Macédoine, avant d'être repoussés à coups de gaz lacrymogènes, illustrant les tensions autour de la fermeture des frontières, un sujet qui divise l'Union européenne.

Plus de 7000 migrants et réfugiés restaient bloqués lundi au poste grec d'Idomeni après des restrictions imposées par plusieurs pays dont la Macédoine sur le nombre des personnes autorisées à entrer sur leurs territoires.

Alors que dimanche la Macédoine n'avait laissé quasiment aucun migrant traverser, lundi à l'aube, 300 Irakiens et Syriens ont finalement pu traverser le poste-frontière.

À la mi-journée, un autre groupe de migrants, dont des femmes et enfants, ont forcé un cordon policier grec et enfoncé une partie de la barrière de barbelés marquant la frontière avec la Macédoine.

Selon Dejana Nedeljkovic, une responsable du ministère de l'Intérieur macédonien, des migrants ont tenté d'entrer de force en Macédoine en cassant une porte métallique. « Un policier macédonien a été blessé et hospitalisé », a-t-elle déclaré à l'AFP, ajoutant que les forces de sécurité macédoniennes avaient tiré des gaz lacrymogènes pour faire reculer les migrants.

Selon l'ONG Médecins sans frontières, « au moins 30 personnes ont demandé à être soignées, dont de nombreux enfants ».

Selon MSF, le nombre actuel de migrants à Idoméni est quatre fois plus élevé que la capacité des deux camps installés près du poste-frontière et de nombreuses personnes doivent dormir dans les champs.

La Macédoine est le premier pays sur la route des Balkans, empruntée par les migrants qui arrivent sur les îles grecques en provenance des côtes turques et veulent rejoindre les pays de l'Europe centrale et du Nord.

« Discours de haine »

Après l'Autriche, premier pays à avoir imposé des quotas, la Croatie, la Slovénie, membres de l'UE, ainsi que la Macédoine et la Serbie ont décidé à leur tour la semaine dernière de limiter le nombre de migrants autorisés sur leurs territoires, provoquant des protestations d'Athènes.

À Genève, le Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, Zeid Ra'ad Al Hussein, a dénoncé le « discours de haine » de certains dirigeants, déplorant que les migrants, déjà traumatisés par les « atrocités » commises dans leur pays, doivent en outre affronter, à leur arrivée en Europe, une « xénophobie » croissante.

La Grèce estime qu'entre 50 000 et 70 000 personnes risquaient d'être bloquées dans le pays en mars contre 22 000 actuellement.

Et le président macédonien a averti que la route des Balkans serait totalement fermée quand « l'Autriche aura atteint son plafond » de demandeurs d'asile, fixé à 37 500 cette année. Le chiffre s'élève actuellement à « environ 12 000 » et le flux progresse désormais lentement, selon le ministère autrichien de l'Intérieur.

L'Union européenne ne peut pas laisser la Grèce « plonger dans le chaos » face à l'afflux migratoire, a martelé dimanche la chancelière Angela Merkel, critiquant la décision « unilatérale » de l'Autriche.

Vienne n'a « de leçon à recevoir de personne », a répliqué la ministre de l'Intérieur autrichienne, Johanna Mikl-Leitner, rappelant que c'est l'Allemagne qui, sans l'afficher, a commencé dès décembre à filtrer les migrants à sa frontière autrichienne.

Alors que les dissensions s'exacerbent au sein de l'UE, Mina Andreeva, porte-parole de la Commission européenne, a annoncé lundi qu'« un plan d'urgence était en train d'être élaborer pour aider la Grèce » ainsi que d'autres pays de l'Europe de l'ouest « afin de prévenir une éventuelle crise humanitaire ».

À Athènes, une réunion extraordinaire a eu lieu lundi entre le ministère de l'Intérieur et l'Union des mairies du pays (Kede) pour gérer le problème d'infrastructures d'accueil. Deux camps d'accueil ont récemment été inaugurés en Grèce continentale, d'une capacité de 2000 personnes chacun actuellement. D'anciens sites olympiques à Hellinikon, banlieue sud d'Athènes, ont également été mis à la disposition de migrants.

En France, les autorités ont commencé lundi à démanteler une partie du plus grand camp de migrants du pays, la « jungle » de Calais (nord) qui compte entre 3700 et 7000 personnes, selon les sources.

Des heurts ont éclaté entre migrants et militants radicaux, et forces de l'ordre qui, cibles de projectiles, ont riposté en faisant usage de gaz lacrymogène.

Trois militants ainsi qu'un jeune migrant ont été interpellés, et cinq policiers ont été légèrement blessés, selon les autorités locales.

Anticipant cette évacuation, la Belgique voisine avait rétabli ses contrôles à sa frontière il y a une semaine. Depuis, elle a refoulé 619 migrants vers la France.