La Turquie s'est engagée à «tout faire» pour parvenir à une réduction du flux de migrants qui se rendent depuis son territoire vers l'Europe, selon un communiqué publié après une rencontre entre la chancelière allemande et son homologue turc à Berlin.

«Le premier ministre (Ahmet Davutoglu) a souligné l'engagement du gouvernement de la Turquie de faire tout ce qui est possible pour réduire de manière substantielle le nombre de migrants illégaux dans un avenir proche», selon ce communiqué.

La chancelière Angela Merkel a, elle, souligné en conférence de presse l'engagement du gouvernement turc à «réduire le nombre de réfugiés» passant de Turquie en Europe.

«Les deux gouvernements considèrent les migrations irrégulières dans la région comme une menace pour la stabilité régionale et qu'elles doivent être traitées dans la plus grande urgence», selon le texte germano-turc, qui plaide aussi pour un «partage du fardeau».

La Turquie a ainsi promis de nouveau «de sécuriser ses frontières», tandis que Mme Merkel a «noté que la Turquie a fait de premiers pas pour assurer un processus plus ordonné concernant les migrations».

M. Davutoglu s'est aussi engagé à «prendre en considération des mesures appropriées concernant des pays tiers pour empêcher l'immigration irrégulière dans la zone Schengen», l'Europe voulant qu'Ankara se montre plus ferme à l'égard de ressortissants arabes n'ayant pas besoin de visa pour se rendre en Turquie.

Mme Merkel a pour sa part de nouveau assuré que les 3 milliards d'euros (4,6 milliards de dollars) approuvés par l'UE en novembre pour aider la Turquie à s'occuper des 2,5 millions de réfugiés syriens sur son territoire seraient bien versés.

Mais les gouvernements européens peinent toujours à en boucler le financement et Ankara est accusé de ne pas jouer le jeu en retour. Début janvier, l'UE s'est dite «loin d'être satisfaite» de sa coopération avec la Turquie.

Mme Merkel a aussi une nouvelle fois milité pour des «contingents légaux (de réfugiés) à destination de l'Europe» depuis la Turquie, une solution combattue par nombre de pays européens qui veulent limiter au maximum l'afflux des migrants.

Angela Merkel, Ahmet Davutoglu et leurs principaux ministres ont participé vendredi à ces consultations germano-turques inédites dans ce format. La chancelière a affirmé qu'elles pourraient jouer «un rôle clé» pour la résolution de la crise des migrants.

La chancelière allemande est de plus en plus contestée dans son pays, et en Europe, pour son refus de plafonner le nombre de réfugiés que son pays accueille.

Mme Merkel promet des solutions européennes et internationales pour réduire le nombre des migrants venant en Allemagne, qui a atteint en 2015 plus d'un million de personnes.

Une conférence de donateurs sur la Syrie suivra le 4 février à Londres et enfin un sommet européen mi-février. «C'est après ça qu'on pourra faire un bilan intermédiaire», a dit Mme Merkel.

La chancelière a évoqué jeudi soir la conférence de Londres avec Barack Obama, au cours d'une conversation téléphonique. Selon le porte-parole d'Angela Merkel, le président américain a promis que son gouvernement allait y «prendre part de manière substantielle».

La Turquie, par laquelle passent le plus grand nombre des candidats à l'asile en Europe, joue un rôle central dans la stratégie de la chancelière visant à remplir son objectif de réduire cette année de manière «significative» le nombre de demandeurs d'asile arrivant en Allemagne, après un record d'un million en 2015.

«Que cela cesse»

«Nous avons un intérêt commun à ce que moins de réfugiés aillent en Turquie et que la Turquie ne les laisse pas simplement passer (...) c'est pourquoi nous voulons déterminer (nos) intérêts communs pour que cela cesse», a déclaré jeudi soir le ministre allemand de l'Intérieur, Thomas de Maizière.

Mme Merkel continue, elle, à refuser une fermeture des frontières aux réfugiés ou un plafonnement de leur nombre en promettant à son opinion une solution internationale passant par un meilleur contrôle du flux depuis par la Turquie et une répartition des migrants via des quotas européens.

Mais cette solution peine à se concrétiser, attisant les critiques désormais d'une partie de ses propres députés, tandis que la crise avec la branche bavaroise (CSU) de sa formation politique conservatrice empire de jour en jour. Si Mme Merkel n'obtient pas rapidement une meilleure coopération d'Ankara, la situation deviendra politiquement périlleuse pour elle, alors que des scrutins régionaux cruciaux se profilent en mars.

L'UE a promis fin novembre 3 milliards d'euros aux autorités turques en échange de leur engagement à mieux contrôler leurs frontières et à lutter contre les passeurs. Mais les gouvernements européens peinent toujours à en boucler le financement et Ankara est accusée de ne pas jouer le jeu. Début janvier, l'UE s'est dite «loin d'être satisfaite» de sa coopération avec la Turquie.

Le journal conservateur Die Welt constatait aussi vendredi l'isolement européen de la chancelière: «L'Union européenne a 28 membres. La plupart d'entre eux sont prêts à s'unir pour un encadrement du nombre de réfugiés grâce à des contrôles aux frontières renforcés, mais l'Allemagne est contre (...) Est-ce la position de la majorité qui est anti-européenne?»

Certains pays n'attendent plus, en tout cas à court terme, cette solution européenne voulue par Mme Merkel. C'est le cas de l'Autriche qui a annoncé l'instauration d'un plafond d'accueil annuel des migrants.

2000 à 3000 arrivées par jour

Tant qu'il n'y a pas de solution commune, «c'est à nous-mêmes de nous protéger», a ainsi expliqué le ministre autrichien des Affaires étrangères, Sebastian Kurz, dans la presse allemande.

Entre 2000 et 3000 réfugiés continuent à arriver chaque jour sur les côtes grecques, même si les polices allemande et turque ont annoncé ensemble cette semaine le démantèlement d'un réseau de passeurs en Méditerranée.

À la veille de son déplacement à Berlin, M. Davutoglu a exhorté de son côté l'UE à prendre des mesures «concrètes» pour aider son pays, affirmant ne pas demander «d'argent» et soulignant qu'il ne s'agissait «pas d'un problème allemand, un problème turc ou même un problème syrien, c'est d'un problème mondial».

Vendredi, Berlin pourrait rallonger cette aide en mettant de sa poche «plus d'argent» sur la table, affirmait jeudi Die Welt sans citer de montant.

La lutte contre l'organisation État islamique sera un autre thème important de la rencontre, une dizaine de jours après l'attentat-suicide qui a tué dix Allemands le 12 janvier à Istanbul.

De même que la liberté de la presse en Turquie et la question kurde. Trois rassemblements prokurdes sont prévus à Berlin vendredi.