«Notre première réaction a été: maintenant, les Allemands vont nous détester», confie Asim Vllaznim, lorsqu'il évoque le moment où lui et sa famille ont découvert l'ampleur des agressions du Nouvel An à Cologne, devant leur vieille télévision cathodique.

«C'est une honte ce qu'ils ont fait à la gare Centrale», s'indigne ce Kosovar de 32 ans, dans la chambre d'un foyer de demandeurs d'asile de la métropole rhénane (ouest), où il reçoit en proposant le thé.

La nuit du réveillon s'est transformée en cauchemar à Cologne, lorsque des groupes d'hommes en bande et décrits comme «arabes» ou «nord-africains» s'en sont pris aux femmes aux abords de la cathédrale et de la gare.

La police a reçu plus de 120 plaintes pour agressions sexuelles ou des vols, parfois les deux à la fois. Au-delà des attouchements, deux femmes auraient été victimes de viols caractérisés. À moins grande échelle, des faits similaires ont eu lieu à Hambourg (nord) et Stuttgart (sud).

À l'heure actuelle, le ministère fédéral de l'Intérieur affirme que la police effectue des vérifications concernant 31 «suspects», dont 18 demandeurs d'asile, pour des faits de violences et vols commis ce soir-là.

Il n'a en revanche pas évoqué de suspects concernant les agressions sexuelles proprement dites ni mentionné d'interpellations à ce stade.

Nombre de responsables appellent à éviter les amalgames. Mais certains en Allemagne font le lien alors que le pays a accueilli 1,1 million de demandeurs d'asile en 2015.

Pression

«Ce ne sont pas de bonnes nouvelles pour Merkel», soupire M. Vllaznim, pendant que ses deux plus petits sautent insouciamment sur leur lit.

Ce père de cinq enfants a foi en la chancelière et son «wir schaffen das» («nous réussirons») qu'elle a martelé aux Allemands, lorsque l'afflux de réfugiés a commencé à inquiéter. Mais il sait que «Mama Merkel» est sous pression.

«Je remercie les Allemands de nous avoir accueillis. (...) Je voudrais leur dire de ne pas avoir peur», reprend le Kosovar, à Cologne depuis un an et demi.

Fatigué des discriminations dont sont victimes les Ashkalis, la minorité ethnique à laquelle sa famille appartient, il a quitté les Balkans avec l'espoir que ses enfants grandiront ici.

«Nous ne sommes pas de mauvais individus, nous cherchons juste une vie meilleure», plaide-t-il, en espérant que l'alcool n'a pas fait déraper certains jeunes réfugiés. «Ce serait terrible», songe-t-il, en réclamant «la prison» pour tous les agresseurs.

«Dans toutes les cultures, il y a des gens qui se comportent mal», soupire une Bosniaque de 36 ans, qui souhaite garder l'anonymat.

«Il ne faut pas mettre tous les réfugiés dans le même sac», lance-t-elle dans un couloir du vaste bâtiment en briques, qui héberge 623 demandeurs d'asile au lieu des 550 autorisés. Cologne en héberge actuellement 10 150 dans ce genre de centres d'urgence, au milieu de son million d'habitants.

Méfiance

La méfiance menace des deux côtés, constate cette mère de deux filles. Musulmane, elle ne porte plus son foulard depuis quelques mois et ne quitte plus le centre passé 16 h. La faute aux incendies volontaires d'hébergements de réfugiés et aux agressions qui émaillent régulièrement l'actualité allemande.

Après le drame de Cologne, «nous comprenons que certains Allemands aient peur», poursuit-elle. Mais les coupables «sont peut-être d'autres que des réfugiés», espère-t-elle.

Entretemps, fausses informations et rumeurs prolifèrent sur l'internet. À la gare de Cologne, le flou alimente la colère chez les habitants.

«Ce serait vraiment super si on savait de qui il s'agit, pour qu'on arrête les coupables et qu'on les renvoie chez eux, peu importe de quel pays ils viennent», lâche Rute Graca, 42 ans, sur le chemin du travail.

«Les gens sont plus méfiants que le mois dernier», croit remarquer Abdul Baldeh en attendant son train. À 28 ans, il vient de fuir la Guinée.

«On n'est pas venu pour créer des problèmes. Ce que je veux, c'est apprendre l'allemand, avoir un travail et être libre», raconte-t-il.