Angela Merkel reste ferme face aux critiques en Europe et chez elle sur sa politique d'ouverture aux réfugiés, dont l'afflux représente à ses yeux une «chance» pour son pays où plus d'un million d'entre eux sont attendus en 2015.

«J'en suis convaincue, si elle est correctement appréhendée, la grande tâche actuelle qui consiste à accueillir et à intégrer tant de gens est une chance pour demain», a assuré jeudi la chancelière allemande dans ses voeux de Nouvel An, qui devaient être retransmis à la télévision jeudi soir et ont été diffusés à l'avance aux médias.

Elle a reconnu que cela coûterait de l'argent et demanderait des efforts d'intégration. Et elle s'est inquiétée de la montée du discours et des violences anti-immigrés en Allemagne en exhortant ses concitoyens à rester «unis» en 2016 face à ceux «pleins de haine» qui «se réclament eux seuls de l'identité allemande et veulent exclure les autres».

Mais fondamentalement, elle a jugé que l'Allemagne était 25 ans après la réunification suffisamment «forte» pour relever le défi, car «il est évident que nous devons aider et accueillir ceux qui cherchent un refuge chez nous».

Voeux du Nouvel An aussi en arabe

Signe des temps : son allocution sera retransmise sur l'internet avec des sous-titres en arabe, la langue d'une grande partie des réfugiés.

Cette profession de foi au terme de l'année politique la plus difficile pour elle en dix ans de pouvoir - en dépit des nombreux médias qui l'ont couronnée personnalité de l'année - constitue une fin de non-recevoir à ceux qui en Allemagne, y compris au sein de sa propre famille politique conservatrice, mais aussi en Europe, l'appellent à changer de cap.

Ses détracteurs, en Hongrie, en Pologne et ailleurs, estiment que la chancelière a créé un appel d'air et incité les migrants à venir en Europe via la route des Balkans par sa politique de la main tendue depuis début septembre. Elle avait alors décidé de manière unilatérale d'ouvrir ses frontières aux réfugiés fuyant la guerre en Syrie, s'affichant à leurs côtés dans des «selfies» qui lui sont aujourd'hui reprochés.

Face au mécontentement et aux sondages en baisse, Angela Merkel a depuis infléchi sa politique en durcissant ces derniers mois les conditions du droit d'asile en Allemagne.

Dans ce cadre, les demandeurs d'asile de pays en guerre, incluant donc les Syriens, seront de nouveau soumis à des entretiens individuels pour leur requête à partir du 1er janvier alors que tout se faisait sur dossier depuis 2014, a annoncé jeudi le ministère de l'Intérieur. Objectif : mieux s'assurer de leur identité et de leur l'origine.

La chancelière a aussi réaffirmé dans ses voeux vouloir une baisse «significative» du nombre de migrants qui, selon des fuites dans la presse, a atteint le chiffre record de 1,1 million en Allemagne cette année.

Mais elle se refuse toujours à fermer les frontières ou à fixer un plafond d'entrées, comme le lui demande pourtant avec insistance une partie de son opinion.

2016, année test

Angela Merkel table sur une solution de «contingents» annuels négociés avec la Turquie, par où passent la plupart des réfugiés, et que se répartiraient les pays européens. Problème, le sujet divise profondément l'UE.

«Le plan Merkel pour résoudre la crise n'est qu'un voeu pieux. Lutter contre les causes de l'exode? En Syrie et en Afghanistan, la situation n'est pas près de s'améliorer. Sécuriser les frontières extérieures de l'UE? Nous devons compter sur le président turc autocrate Erdogan. Et le plan de répartition des réfugiés (dans l'UE) avance à peine», estime le quotidien Die Welt.

«2015 a été sans doute l'année d'Angela Merkel, mais 2016 devrait être pour elle l'année décisive», pronostique le journal.

«Si le nombre de réfugiés diminue sensiblement, cela ira, mais si cela continue au rythme actuel, cela va devenir politiquement très difficile pour elle», estime une source diplomatique très engagée dans le dossier.

Trois élections régionales faisant figure de test se tiendront en mars et les sondages prédisent déjà une forte poussée du mouvement populiste antiréfugiés «Alternative pour l'Allemagne».