L'ambassadrice du Canada au Liban, Michelle Cameron, affirme qu'aucun djihadiste ne se glissera parmi les réfugiés syriens qui seront accueillis au Canada.

- Il n'y a aucun risque? lui ai-je demandé.

- J'ai totalement confiance. Le risque est théorique. Depuis les attaques de Paris, la perception a changé, mais le risque réel est resté le même.

Et ce risque, a-t-elle précisé, est pratiquement inexistant.

Est-ce qu'un terroriste va se chercher un réfugié qui s'est installé au Liban en espérant que le Canada le sélectionne? a-t-elle demandé sur un ton ironique. «On peut toujours imaginer le scénario le plus catastrophique...»

J'ai rencontré Michelle Cameron hier. Fait rarissime pour un ambassadeur, elle a accepté de donner des entrevues à quelques journalistes canadiens, Radio-Canada, Globe and Mail, La Presse. Elle est au Liban depuis février. C'est son premier poste à titre d'ambassadeur et elle a hérité du dossier explosif des réfugiés.

Justin Trudeau s'est engagé à recevoir 25 000 réfugiés d'ici la fin février, une opération gigantesque qui monopolise l'ambassade du Canada à Beyrouth. Les réfugiés viendront du Liban, de la Jordanie et de la Turquie.

L'ambassade a embauché environ 120 personnes pour sélectionner les réfugiés, les interviewer et vérifier leurs antécédents criminels. Leur passé est scruté à la loupe à travers les banques de données de la GRC, des services secrets canadiens, d'Interpol, etc.

Leur identité est scrupuleusement vérifiée: documents de toutes sortes, passeport, empreintes digitales, numérisation de l'iris.

La loterie du sauve-qui-peut

Un réfugié doit franchir plusieurs étapes avant d'être accepté. L'ambassade travaille avec le Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR) qui effectue un premier tri. Environ 1 million de réfugiés syriens sont inscrits sur leur liste.

Le HCR sélectionne les réfugiés en fonction des critères établis par le Canada. En tête de liste: la vulnérabilité.

«On choisit les plus vulnérables, comme les familles, les enfants qui ne peuvent pas fréquenter l'école, les femmes seules, ceux qui n'ont pas de travail et qui peinent à survivre», a expliqué Mme Cameron.

- Et les hommes seuls?

- Ils ne sont pas automatiquement refusés.

Le HCR les convoque en entrevue, passe leur histoire au peigne fin et sélectionne les plus vulnérables. Il envoie ensuite une liste de candidats à l'ambassade qui les convoque à son tour. Tous les réfugiés sans exception doivent se soumettre à des vérifications pour vérifier qu'ils ne traînent pas un passé criminel ou terroriste. Ils doivent aussi subir une visite médicale.

S'ils franchissent toutes ces étapes avec succès, ils sont acceptés. Moins de 1% des réfugiés réussissent à gagner le gros lot de cette loterie du sauve-qui-peut.

Même si elle dirige l'ambassade, Michelle Cameron a été incapable de me donner des chiffres. L'opération réfugiés menée sur les chapeaux de roue reste entourée de flou.

- Combien de réfugiés ont été acceptés depuis novembre? lui ai-je demandé.

- Je ne sais pas.

- Quand les premiers arriveront-ils au Canada?

- Inch Allah.

Elle ignore également si des avions seront nolisés ou si les réfugiés prendront des vols commerciaux.

Depuis son arrivée au Liban, Mme Cameron a visité six emplacements de réfugiés, de Tripoli à Beyrouth, en passant par la vallée de la Bekaa. Le Liban n'a pas de camps comme la Jordanie et la Turquie. Les réfugiés s'installent à la petite semaine dans les endroits les plus pauvres.

«Certains vivent dans une boîte de contreplaqué, a-t-elle dit. Les chanceux recouvrent leur abri de plastique pour se protéger de la pluie. Il y a des mouches et les enfants jouent dans la boue. Ça m'a brisé le coeur.»

Mme Cameron rappelle que 11 millions de Syriens ont été déplacés ou sont des réfugiés. «On n'avait pas vu ça depuis la Seconde Guerre mondiale.»