Des heurts entre migrants et forces de l'ordre se sont produits pendant une heure environ, pour la troisième nuit consécutive, aux abords du camp de la «Jungle» à Calais, malgré un dispositif policier réorganisé pour protéger les riverains du bidonville.

Après un face-à-face tendu à partir de 22h30 entre les protagonistes, les forces de sécurité, séparées d'une trentaine de mètres seulement des manifestants, ont fait usage de grenades lacrymogènes pour tenter de disperser de petits groupes de migrants qui leur jetaient des projectiles et proféraient des insultes.

Les CRS ont ensuite utilisé brièvement un canon à eau pour éteindre un feu allumé par des manifestants à l'aide de palettes en bois, selon une équipe de l'AFP sur place. Des grenades lacrymogènes ont continué d'être tirées ensuite, jusqu'au retour à un calme précaire après 23h30.

«250 policiers, dont une majorité de CRS, étaient mobilisés mardi soir» pour empêcher ou réprimer les troubles autour de la «Jungle», a rapporté le porte-parole du ministère de l'Intérieur, Pierre-Henry Brandet, présent sur les lieux.

Jusqu'à dix camions de CRS étaient par moment positionnés, comme ces dernières semaines, aux abords du campement de fortune où vivent dans l'inconfort le plus total 4500 personnes, selon les derniers chiffres du ministère de l'Intérieur.

Deux autres camions, gyrophares allumés, avaient pris place le long de la zone pavillonnaire d'une dizaine de maisons jouxtant la «Jungle». Dans la nuit de lundi à mardi, des migrants ont en effet «souvent pénétré dans la propriété des riverains pour se procurer des objets pouvant servir à bloquer des camions sur la rocade» menant au port, avait déploré la préfète du Pas-de-Calais, Fabienne Buccio, lors d'une conférence de presse dans l'après-midi. Qualifiant ces intrusions de «phénomène nouveau», elle a promis aux riverains de rendre «visibles» les forces de l'ordre.

La police, a-t-elle également assuré, va aller à la rencontre de «tous ces riverains pour leur donner des conseils, les rassurer et les inviter à porter plainte pour que l'action judiciaire puisse s'accomplir».

«On a eu des dégradations, c'est des poubelles volées, des caillasses dans notre jardin, des bombes lacrymogènes... Là, on m'a pété mes palissades... Combien de temps cela va-t-il durer ? On n'est plus chez nous, on vit avec nos fenêtres et volets fermés. On ne peut même plus aller dans notre jardin avec les enfants», s'est plainte Sandy, habitant tout près de la Jungle, auprès d'un correspondant de l'AFP.

Mais «on est rassuré par la présence de la police. Ils repartent!», se félicitait dans la soirée un autre habitant, montrant des migrants rebroussant chemin après avoir vu un camion de CRS.

Objectif: les camions en partance pour la Grande-Bretagne

Au total, quelque 250 réfugiés ont, «à plusieurs reprises, tenté de ralentir le trafic sur la rocade portuaire en déposant divers objets sur la chaussée» dans la nuit de lundi à mardi, selon la préfecture, et les policiers, sur qui des «projectiles ont été lancés», ont donc dû les «repousser».

Sur place, un correspondant de l'AFP a constaté la présence de panneaux en plastique du réseau de bus arrachés et brûlés.

Après les incidents de la nuit, des heurts avaient éclaté dans la matinée mardi, lorsque 200 à 250 migrants ont jeté «quelques pierres sur la rocade». Objectif: créer un bouchon pour pouvoir monter sur des camions s'apprêtant à embarquer sur des ferries pour l'Angleterre. Mais le renforcement des mesures de sécurité au port et sur le site du tunnel sous la Manche condamnent à l'échec nombre de ces tentatives.

Des affrontements similaires s'étaient déjà produits dans la nuit de dimanche à lundi, blessant légèrement 16 policiers et un migrant, contre 11 mardi.

Ces troubles ont suscité des réactions politiques. «Désolée de poser encore une fois une question qui fâche, mais combien d'arrestations?», a lancé Marine Le Pen sur Twitter. Cette situation «intenable oblige à accélérer les mesures d'accueil des réfugiés qui peuvent rester sur le territoire français et de ceux qui doivent, parce qu'ils ont des attaches familiales, rejoindre l'Angleterre», a déclaré le candidat PS aux régionales, Pierre de Saintignon.

La maire de Calais, Natacha Bouchart (Les Républicains), a de nouveau réclamé l'intervention de l'armée. En France, la sécurité intérieure est assurée «par la police et la gendarmerie», a répondu la préfète.