La Slovénie va dresser des «obstacles techniques» à sa frontière avec la Croatie qu'elle pourrait bientôt équiper d'une clôture pour freiner les migrants, à la veille d'un sommet européen où le contrôle des frontières extérieures de l'UE sera de nouveau débattu.

Après avoir multiplié les avertissements depuis un mois, le premier ministre Miro Cerar a officialisé le projet du gouvernement slovène de «commencer à construire dans les prochains jours des obstacles techniques temporaires à la frontière Schengen avec la Croatie».

«Ces obstacles, y compris des clôtures si nécessaire, auront pour but de diriger les migrants vers les postes-frontière» et de «réduire le flux à un niveau gérable», a précisé le dirigeant centriste.

Cette annonce renforce la pression sur l'UE pour intensifier ses efforts de sécurisation des frontières extérieures, a estimé la chancelière allemande Angela Merkel. «Si le problème de la frontière extérieure de l'UE entre la Turquie et la Grèce pouvait trouver une solution, la Slovénie n'aurait pas à prendre de telles mesures», a-t-elle relevé.

Ce sera l'un des sujets au menu du sommet UE/Afrique de Malte mercredi et jeudi. En plus de discussions avec leurs homologues africains sur la coopération au retour de migrants économiques vers l'Afrique, chefs d'État et de gouvernement de l'UE feront aussi le point sur cette «route des Balkans» où continuent d'affluer une majorité de Syriens, d'Irakiens et d'Afghans.

La Slovénie, qui a vu transiter plus de 171 000 personnes depuis mi-octobre, a justifié son raidissement par la perspective d'une nouvelle arrivée massive de 30 000 personnes dans les prochains jours, alors même que l'Autriche, par où s'écoule le flux en aval, entend, selon M. Cerar, plafonner à «6000» ses admissions quotidiennes.

Les frontières du petit pays de 2 millions d'habitants «resteront ouvertes», a toutefois assuré le premier ministre.

La Slovénie est devenue le principal pays d'entrée des migrants dans la zone Schengen depuis la fermeture par Budapest de sa frontière avec la Croatie dans la nuit du 16 au 17 octobre.

M. Cerar a déploré le manque d'efficacité de l'UE dans la gestion de la crise: «les engagements pris à Bruxelles par les dirigeants des pays situés sur la route orientale n'ont pas été tenus. Le flux de migrants ne s'est ni réduit, ni ralenti».

Selon la chaîne privée slovène POP TV, les travaux de construction pourraient commencer dès mercredi à l'aube à Zavrce, dans le nord-est du pays.

«Forfaiture»

Le premier ministre populiste hongrois Viktor Orban, vivement critiqué à la fin de l'été pour avoir érigé des clôtures barbelées anti-migrants à ses frontières serbe puis croate, a assuré la Slovénie de son plein «soutien».

«Plusieurs pays, en Europe, aimeraient être à la place de la Hongrie aujourd'hui, un pays qui a su reconnaître à temps la nature et l'ampleur du danger que représente l'immigration illégale», a-t-il ironisé.

Le chef de gouvernement autrichien Werner Faymann et son homologue croate Zoran Milanovic ont tous deux confirmé avoir été informés des intentions de Ljubljana.

M. Milanovic a assuré que son pays et la Slovénie avaient convenu de «poursuivre leur coopération», tout en soulignant que son gouvernement était «prêt à réagir à toute situation».

Du côté autrichien, la ministre de l'Intérieur Johanna Mikl-Leitner, membre du parti conservateur ÖVP, a applaudi la décision de Ljubljana, saluant le «sens des responsabilités» du gouvernement slovène.

Le gouvernement autrichien planche lui-même depuis fin octobre sur un projet de «sécurisation technique» de sa frontière avec la Slovénie. Le projet, porté par Mme Mikl-Leitner, donne lieu à d'intenses débats au sein de la coalition gouvernementale menée par les sociaux-démocrates (SPÖ).

Les deux partenaires de coalition doivent se consulter mercredi sur les mesures envisageables. La ministre de l'Intérieur a répété à plusieurs reprises ne pas exclure la construction d'une clôture qui serait une première entre deux pays de la zone Schengen.

Les sociaux-démocrates, sous pression d'une opinion publique de plus en plus partagée sur l'accueil des migrants et d'une extrême droite en progression, sont partisans d'un renforcement des contrôles à la frontière, mais réservés sur la mise en place d'obstacles physiques.

Le parti d'extrême droite autrichien FPÖ a par ailleurs annoncé avoir porté plainte mardi contre le gouvernement pour «forfaiture», en raison de la politique de tolérance manifestée par Vienne concernant l'entrée de migrants.

Plus de 750 000 réfugiés et migrants sont déjà arrivés depuis le début de l'année en Europe, selon l'ONU, qui table sur l'arrivée de 600 000 personnes ces quatre prochains mois, par la Turquie.

L'UE tente de convaincre Ankara d'agir pour freiner l'exode vers l'Europe, mais a provoqué son mécontentement en critiquant mardi le bilan en matière de droits de l'Homme et les «graves reculs» de la liberté d'expression en Turquie.