Les Croates se rendent dimanche aux urnes pour élire un nouveau Parlement, avec en toile de fond une crise migratoire que les principaux rivaux politiques ont tenté d'exploiter sans proposer de solution pour relancer l'économie stagnante du pays.

Ces premières élections législatives depuis que la Croatie a accédé, en 2013, à l'Union européenne, sont perçues par l'opposition conservatrice de droite (HDZ) comme l'occasion de revenir au pouvoir, en profitant du bilan mitigé du gouvernement de gauche sortant et de la situation de récession quasi permanente qui perdure depuis 2009.

La «Coalition patriotique» créée autour du HDZ, qui selon les sondages disposait d'un confortable avantage au lendemain de la victoire de sa candidate, Kolinda Grabar Kitarovic, à l'élection présidentielle au début de l'année, est désormais au coude-à-coude avec la coalition «La Croatie grandit» dominée par le SDP (centre-gauche) du premier ministre sortant Zoran Milanovic.

Pour M. Milanovic, l'émergence de la crise migratoire à la mi-septembre, lorsque la Croatie a vu plus de 300 000 réfugiés en route vers l'Europe occidentale transiter par son territoire, a été l'occasion de détourner l'attention de l'échec du gouvernement à mettre en oeuvre des réformes indispensables pour relancer l'économie.

«Le gouvernement a eu la chance de voir cette crise repousser en arrière-plan tous les autres thèmes» de débat électoral, note l'analyste politique indépendant Davor Djenero.

M. Milanovic a fait preuve d'empathie envers les migrants, mais aussi de fermeté vis-à-vis des pays voisins. Il a condamné la décision de la Hongrie de fermer sa frontière et critiqué la Serbie pour sa manière de gérer la crise, tout en affirmant qu'il tenait avant tout à protéger les intérêts nationaux de la Croatie.

«M. Milanovic semblait politiquement mort il y a six mois après un mandat qui fut un échec total. Désormais il apparaît politiquement ressuscité, dans une certaine mesure», juge M. Djenero.

«Créer des emplois»

L'opposition et son leader Tomislav Karamarko, qui a pourtant mené une campagne s'appuyant avant tout sur la rhétorique nationaliste, a elle aussi tenté de jouer la carte des migrants, mais sans grand succès.

«Il a été intéressant de voir comment les rivaux ont tous tenté d'exploiter la crise migratoire sans vraiment savoir quelles attitudes seraient bien accueillies par les électeurs», explique Josip Glaurdic, spécialiste de l'Europe du Sud-Est de l'Université de Cambridge.

A Zagreb, lors d'un meeting électoral du SDP, la foule armée de drapeaux croates s'est surtout inquiétée de l'avenir économique de l'ex-république yougoslave.

«La clé est de créer des emplois, de faire en sorte que les jeunes restent au pays», a déclaré Jelena, une cuisinière de 31 ans, en référence aux milliers de Croates qui se sont exilés à la recherche de travail en Europe de l'Ouest ces dernières années.

Les difficultés économique de la Croatie perdurent: le taux de chômage en septembre était de 16,2%, dont 43,1% chez les jeunes. La dette publique a atteint des proportions pléthoriques (près de 90% du PIB), ce qui fait de l'économie croate une des plus pauvres de l'UE.

Le PIB a enfin repris des couleurs au cours des trois premiers trimestres de l'année, mais les analystes notent que les deux principaux rivaux aux législatives n'ont pas offert de solution crédible pour redresser de manière efficace l'économie, ni pour résoudre le problème que pose une administration inefficace et disproportionnée.

Par ailleurs, aucune des coalitions favorites ne semble en mesure d'obtenir la majorité dimanche, ce qui pourrait profiter aux petits partis et les placer en situation de faiseurs de roi.

«Quel que soit le gagnant, il aura à faire face à des temps difficiles», met en garde M. Glaurdic.