L'Union européenne a arraché un « plan d'action commun » à Ankara pour endiguer les flux migratoires à ses frontières extérieures, alors même qu'un Afghan venant de Turquie était abattu en tentant d'entrer illégalement en Bulgarie.

L'Afghan, abattu par des gardes-frontières bulgares, faisait partie d'un grand groupe de migrants qui ont essayé d'entrer en Bulgarie depuis la Turquie, a annoncé un porte-parole du gouvernement bulgare.

Tarir les flux

Réunis jeudi en sommet à Bruxelles, les dirigeants européens ont pressé la Turquie, devenue la porte d'entrée pour des centaines de milliers de réfugiés vers l'Europe, de l'aider à tarir ces flux de migrants, mais les deux parties sont décidées à imposer leurs conditions.

« Nous nous sommes mis d'accord sur le contenu exact de ce plan d'action », a annoncé dans la nuit de jeudi à vendredi le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, à l'issue de la réunion des chefs d'États et de gouvernement européens à Bruxelles.

Les Européens ont « salué » un plan basé sur « des engagements réciproques », selon les conclusions du sommet. Mais ce soutien politique aux tractations est loin de marquer la fin du chapitre, les détails les plus sensibles de l'accord restant à négocier.

L'annonce de l'accord est intervenue après la visite à Ankara de deux commissaires européens, venus proposer de l'aide à la Turquie pour accueillir plus de réfugiés et lui demander en contrepartie d'accepter davantage de « réadmissions » de migrants irréguliers venant de son territoire.

Aide de 3 milliards

Selon des sources européennes, la Turquie demande une aide de trois milliards d'euros. Cet aspect du plan doit encore être négocié « dans les jours qui viennent », a souligné M. Juncker. Des diplomates à Bruxelles ont émis des doutes sur la possibilité de mobiliser un tel montant.

Pour répondre aux demandes turques, le « plan d'action » ouvre la perspective d'un processus plus rapide que prévu pour faciliter l'attribution de visas aux ressortissants turcs voyageant dans l'UE.

Ankara veut aussi « ouvrir de nouveaux chapitres » des négociations d'adhésion à l'UE et être considéré comme un « pays sûr » (dont les ressortissants ne peuvent a priori pas être considérés comme des réfugiés) par les Européens.

«Sueurs froides»

« Nous ne signerons pas un accord de réadmission avant d'obtenir des progrès sur la question des visas Schengen », a prévenu jeudi depuis la Turquie le premier ministre turc Ahmet Davutoglu.

Mais la « libéralisation des visas » provoque « des sueurs froides dans certains États membres », a souligné un diplomate européen.

Il ne faut pas de « libéralisation dans n'importe quelles conditions avec des visas qui pourraient être accordés à des individus dont on ne connaîtrait pas exactement l'identité », a prévenu le président français François Hollande.

Par ailleurs, les Européens ont voulu faire preuve de bonne volonté en acceptant de discuter de la « zone de sécurité » que le président turc Recep Tayyip Erdogan appelle de ses voeux le long de sa frontière avec la Syrie.

Mais « la présence et l'activité russes en Syrie montrent à quel point cette zone de sécurité sera difficile », a prévenu le président du Conseil européen et maître d'oeuvre du sommet, Donald Tusk, rappelant que « la Russie est très clairement contre cette idée ».

Les chefs d'État ont par ailleurs exprimé jeudi leurs inquiétudes face aux attaques russes en Syrie. Même s'ils sont divisés sur le rôle que peut jouer le président syrien Bachar al-Assad dans une transition politique, ils ont réaffirmé leur consensus sur le fait qu'il ne « peut y avoir de paix durable en Syrie » sous le régime actuel.

Coopération avec les pays d'origine

La mise en place à long terme d'un « corps européen » de gardes-frontières pour mieux contrôler les frontières extérieures a également être évoquée.

La Hongrie doit recevoir le renfort d'environ 150 policiers de Pologne, de République tchèque et de Slovaquie pour l'aider à surveiller sa frontière avec la Serbie, ont annoncé jeudi les quatre pays.

Le sommet de Bruxelles a aussi rappelé la coopération que l'UE veut instaurer avec les pays de la « Route des Balkans » empruntée par les réfugiés et, plus loin, avec l'Afrique.

Pour leurs négociations à venir avec les pays africains, les dirigeants européens ont entériné le principe du « more for more » (« plus pour plus ») : s'ils veulent plus d'aide, ces pays doivent faciliter le retour sur leur sol des migrants économiques renvoyés par l'UE.

Le sujet sera au coeur du sommet de La Valette, qui réunira l'UE et des pays africains à Malte les 11 et 12 novembre.

Pour financer des aides en direction des pays dont elle veut faire des partenaires, en Afrique comme dans les pays voisins de la Syrie, la Commission européenne a mis en place des fonds devant réunir plusieurs milliards d'euros. Mais les États membres tardent à les abonder malgré leur promesses, a déploré jeudi l'exécutif européen devant les chefs d'État.