À la veille des premiers transferts de réfugiés au sein de l'UE, les 28 États membres ont fait front commun jeudi pour un renvoi plus systématique des migrants économiques, «l'autre face de la médaille» de leur réponse à la pire crise migratoire en Europe depuis 1945.

Ceux qui «n'ont pas besoin d'une protection internationale doivent retourner dans leurs pays d'origine», a résumé le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères Jean Asselborn, maître d'oeuvre d'une réunion des ministres de l'Intérieur dans le Grand-Duché.

Les Européens s'apprêtent à mettre en oeuvre une mesure de solidarité qui les avait pourtant profondément divisés, en transférant vendredi matin 20 réfugiés érythréens d'Italie en Suède, les premiers sur 160 000 qui pourront bénéficier d'un programme de répartition inédit dans l'UE.

Mais il y a «l'autre face de la médaille», a souligné le commissaire européen à l'Immigration, Dimitris Avramopoulos, alors que les 28 ont promis jeudi de muscler leur «politique des retours» des clandestins, migrants économiques africains ou pakistanais venus chercher une vie meilleure sur le Vieux Continent.

En 2014, seulement 39% des migrants illégaux faisant l'objet d'une obligation de quitter l'UE ont réellement quitté le territoire européen.

«Nous pouvons accepter et soutenir les gens qui ont besoin d'une protection (les réfugiés, ndlr) seulement si ceux qui n'en ont pas besoin ne viennent pas ou sont renvoyés rapidement», a estimé le ministre allemand de l'Intérieur Thomas de Maizière.

Ce dossier sera au coeur du sommet prévu les 11 et 12 novembre à La Valette (Malte), qui va réunir l'UE et des pays africains.

Meilleur contrôle des frontières

Les ministres ont par ailleurs réaffirmé leur volonté de reprendre d'urgence la maîtrise des frontières extérieures de l'UE, apparues comme perméables au point de conduire plusieurs États de l'espace Schengen à rétablir des contrôles à leurs frontières nationales.

«Si on ne parvient pas à rendre plus efficace le contrôle des frontières extérieures, il y a un risque énorme que Schengen ne survive pas», a lancé M. Asselborn, qui se rend vendredi en Italie puis en Grèce avec M. Avramopoulos.

Les deux dirigeants iront constater sur l'île de Lampedusa, puis à Athènes, l'avancée des «hotspots», des centres d'accueil et d'enregistrement des migrants.

Mais le chancelier autrichien Werner Faymann a émis des doutes jeudi sur la possibilité qu'ils ouvrent comme prévu d'ici fin novembre. «Il faudrait significativement plus de moyens et de personnel», a-t-il commenté.

C'est à partir de ces centres que doit être opéré le premier «tri» entre les arrivants dont la vie n'est pas menacée dans leurs pays, et qui doivent donc être rapatriés, et ceux qui peuvent prétendre au statut de réfugiés.

Parmi ces derniers, Syriens, Irakiens et Érythréens arrivés en Italie et en Grèce pourront ensuite être envoyés dans d'autres pays de l'UE selon le plan de répartition de 160 000 réfugiés adopté en septembre.

«Cette crise des réfugiés va durer»

Le ministre français Bernard Cazeneuve a plaidé jeudi pour la mise en place à long terme d'un véritable «corps de garde-frontières européens», qui pourrait être déployé sur décision des autorités européennes dans les zones soumises à une forte pression migratoire. Ce projet, avancé par la Commission, ne fait pas l'unanimité.

Tous les États membres sont tombés d'accord pour renforcer l'agence européenne Frontex, chargée de la surveillance des frontières extérieures de l'UE.

Frontex a appelé cette semaine les pays membres de l'UE à mettre à sa disposition 775 gardes-frontières supplémentaires pour «gérer la pression migratoire». La réponse devra être donnée à l'occasion d'un nouveau sommet européen à Bruxelles, les 15-16 octobre.

Sur la «Route des Balkans», empruntée par 428 000 migrants depuis le début de l'année, la Macédoine a fait face jeudi à une nouvelle vague de migrants, avec 10 000 entrées en provenance de la Grèce au cours des dernières 24 heures.

L'UE s'est justement engagée jeudi soir à aider davantage les pays de transit des Balkans occidentaux et les voisins de la Syrie, frappés par l'exode de réfugiés vers l'Europe, tout en leur demandant des contreparties, lors d'une conférence à Luxembourg avec des représentants de tous ces pays.

Les Européens attendent notamment «des Balkans qu'ils contribuent à stabiliser la situation» et qu'ils jouent un rôle de «frein au mouvement» des réfugiés, a expliqué Jean Asselborn.

«Cette crise des réfugiés va durer un certain nombre d'années», a prévenu la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, depuis Passau, dans le sud de l'Allemagne, où il visitait un centre d'accueil.