Alors que les dirigeants européens tentent de composer avec l'afflux de dizaines de milliers de réfugiés syriens, plusieurs pays arabes du golfe Persique se font montrer du doigt en raison de leur manque de solidarité.

Aucun des États membres du Conseil de coopération du Golfe (CCG), qui comprend l'Arabie saoudite, Bahreïn, le Koweït, Oman, le Qatar et les Émirats arabes unis, ne s'est engagé jusqu'à maintenant à laisser une fraction de ces réfugiés s'installer sur son territoire.

Cette situation «choquante» avait déjà été dénoncée à la fin de l'année dernière par Amnistie internationale. L'organisation avait relevé que la proximité géographique des pays du CCG avec la Syrie, leurs liens historiques avec le pays et le potentiel d'intégration découlant d'une langue et d'une religion communes devraient leur permettre de jouer un rôle de premier plan dans les efforts de réinstallation en cours.

Encore aujourd'hui, la vaste majorité des quatre millions de réfugiés syriens sont concentrés dans cinq pays: la Turquie, le Liban, la Jordanie, l'Irak et l'Égypte.

Faute de mieux, nombre de familles décident de tenter leur chance en Europe en traversant la Méditerranée à leurs risques et périls. Le Haut Commissariat aux réfugiés s'attend à ce que 400 000 personnes, dont un grand nombre de Syriens, demandent l'asile en 2015 après avoir emprunté cette voie.

Ouverture improbable

Michael Stephens, spécialiste du Moyen-Orient établi à Doha, au Qatar, estime que l'accueil de réfugiés par les pays du CCG permettrait de réduire ce flux migratoire. Il juge cependant «improbable» que les États en question décident de se montrer plus accueillants.

D'abord, dit-il, parce que la plupart d'entre eux sont opposés au régime syrien de Bachar al-Assad et appuient, à des degrés divers, des opposants qui cherchent à le renverser.

Ils craignent, en acceptant un grand nombre de réfugiés, de faire entrer au pays des personnes susceptibles de vouloir organiser par vengeance des attentats. L'entrée de membres actifs du groupe État islamique est aussi évoquée.

«Mais on ne peut pas bloquer tout le monde sous prétexte que quelques personnes peuvent représenter une menace. Il faut trouver une façon de filtrer les demandes», note M. Stephens.

L'autre raison de la réserve des pays du CCG tient à leur composition démographique, dit-il.

Nombre de ces États font appel à des travailleurs migrants qui peuvent excéder largement en nombre le total de citoyens «à part entière». Les réfugiés, contrairement à ces travailleurs, sont susceptibles de demeurer pendant des décennies dans le pays d'accueil et sont vus à ce titre comme une menace accrue à «l'identité nationale».

Selon M. Stephens, on aurait tort de prétendre que les pays du golfe Persique n'ont rien fait pour venir en aide à la population syrienne. Nombre d'entre eux ont notamment versé d'importantes sommes aux organisations d'aide, dit-il.

Sami Aoun, politologue rattaché à l'Université de Sherbrooke, note que certains États du golfe Persique abritent une importante diaspora syrienne. L'Arabie saoudite se targue notamment d'avoir un demi-million de ressortissants du pays sur son territoire.

«Mais il s'agit de migrants économiques, pas de réfugiés. C'est une tout autre question», souligne M. Stephens, qui juge essentiel que tous les pays apportent leur concours pour résoudre la crise actuelle.

M. Aoun pense que nombre de réfugiés syriens préfèrent de toute manière l'Europe, notamment parce que le bilan du continent en matière de droits de la personne n'a rien à voir avec celui des régimes répressifs du golfe Persique.

M. Stephens est quant à lui convaincu que nombre d'entre eux sauteraient sur l'occasion de s'établir en Arabie saoudite ou dans un autre pays prospère de la région.

«Si une solution de rechange existait, beaucoup la choisiraient. Notamment parce que le fait de connaître la langue locale faciliterait grandement leur intégration», conclut-il.