Montréal tentera le mois prochain l'expérience de laisser certains bars ouvrir jusqu'à 6h, comme plusieurs villes en Europe. Une initiative qui réjouit le «maire de la nuit» de Paris, Clément Léon. Mais le représentant des bars et des fêtards de la Ville lumière émet un avertissement: pour avoir une vie nocturne réussie, ce n'est pas tout de laisser les bars fermer plus tard. «C'est bien si on n'impose pas aux gens d'ouvrir jusqu'à l'heure limite. Si un commerçant veut fermer à 23h, il devrait pouvoir fermer à 23h», dit Clément Léon, auteur et chroniqueur radio de 31 ans, à La Presse.

Entrevue avec un «politicien» sans aucun pouvoir, mais avec l'ambition de faire cesser la «répression» de la vie nocturne à Paris.

Q: Vous avez été élu l'automne dernier premier maire de la nuit de Paris, après un scrutin de deux tours (on est en France, après tout) sur Facebook et dans les bars, auprès d'environ 2200 personnes. Qu'avez-vous promis?



R: Je n'ai rien promis, car je n'ai pas de budget, mais je me suis donné deux objectifs. D'abord, élargir les heures d'ouverture des bars, des clubs, mais aussi des commerces de proximité. En France, une boulangerie doit fermer obligatoirement à 21h. Si on enlevait ce couvre-feu, ça réglerait beaucoup de problèmes. À 2h du matin, les gens n'ont nulle part où aller parce que les transports en commun sont inadéquats à cette heure, et c'est le bordel pour les taxis. Si le bar n'est pas fermé et les clients tous dehors à 2h01, il reçoit souvent une amende. Ensuite, il faut de meilleurs transports en commun la nuit.

Q: Comment améliorer les transports en commun la nuit?



R: À Paris, le métro ferme à 1h40-1h50 le week-end et à 0h40-0h50 la semaine. Comme il ne semble pas y avoir de volonté politique d'ouvrir le métro plus tard, il faut revoir le système de bus de nuit, qu'on appelle les Noctiliens. Ce n'est pas toujours sécuritaire, pour une femme seule, par exemple. Il faut aussi revoir leur cartographie et la calquer sur celle du métro, qui est bien connue des Parisiens.



Q: Du Québec, Paris a pourtant la réputation d'être une ville festive. Ce n'est pas vrai?



R: La vie nocturne est réprimée à Paris, au contraire d'autres villes européennes comme Londres, Berlin ou Bruxelles, qui gèrent la nuit de façon moins punitive. À Londres, il y a un très bon système de transports en commun la nuit, où il y a des relais entre les bars et les clubs pour que les gens qui veulent continuer de faire la fête ne se retrouvent pas dans la rue. À Paris, les politiciens ont eu tendance, au cours des 10 dernières années, à écouter les associations de riverains au lieu des commerçants, à qui on impose une loi régressive dont les origines remontent à septembre 1941, ce qui ne nous ramène pas à la plus belle période de la France. Et les touristes, eux, ne votent pas.



Q: Que pense la nouvelle maire de Paris, Anne Hidalgo, de vos propositions?



R: C'est la seule candidate qui ne m'ait pas rencontré durant la campagne, mais elle a nommé un adjoint responsable de la nuit après l'élection. Il semble y avoir une volonté politique [de changer les choses]. On abandonnera vraisemblablement les «Pierrots de la nuit» [des mimes se promenant dans les quartiers des bars le week-end à partir de 23h pour rappeler de faire moins de bruit]. Ça coûte 150 000 euros par an à la mairie, ce n'est pas efficace, ça fait seulement réagir davantage les gens. Nous allons trouver d'autres solutions, par exemple un prêt sans intérêt pour insonoriser les bars ou créer des fumoirs.



Q: Vous n'avez aucun pouvoir, mais concrètement, quelles sont vos tâches comme maire de la nuit?



R: C'est une fonction bénévole, mais je travaille 30 heures par semaine, 60 heures par semaine durant la campagne municipale. Je recueille les doléances des commerçants et des usagers, je parle aux politiques et je donne une ou deux entrevues par semaine. Je me couche une fois par semaine à 23h59, les autres soirs entre 2h et 5h du matin. Mon quartier préféré la nuit à Paris est Pigalle, où l'offre est très diversifiée. Les quartiers Austerlitz et Oberkampf bougent aussi beaucoup.

Un concept néerlandais

D'où vient le concept d'un «maire de la nuit» ? En 2002, les élus municipaux d'Amsterdam se sont demandé, au cours d'une réunion, comment se déroulait la fermeture des théâtres et des bars. Cette année-là, les gens d'Amsterdam ont élu le premier «maire de la nuit», une fonction bénévole et sans aucun pouvoir. Depuis, les citoyens d'autres villes européennes, comme Rotterdam, Paris, Toulouse et Nantes, ont élu un «maire» de même nature.