Un documentaire traitant de la problématique du harcèlement de rue à Bruxelles alimente en Belgique un vif débat qui a des échos jusque dans l'Hexagone.

Sofie Peeters, une étudiante en cinéma originaire de Louvain, a produit à la fin de sa formation un film, Femme de la rue, qui relate le harcèlement subi par des résidantes d'un quartier défavorisé de la capitale, Anneessens, où elle logeait.

À l'aide d'une caméra cachée, la jeune femme a notamment capté les propositions salaces de plusieurs hommes, jeunes et vieux, qui l'abordent alors qu'elle marche dans la rue en robe. L'un d'eux lui propose d'aller à l'hôtel au lit «direct». Un autre la complimente sur ses «petites fesses» sous le regard amusé de ses amis. D'autres la traitent de «chienne» ou de «salope».

Une amie du quartier lui confie à l'écran qu'elle a décidé de déménager parce qu'elle n'en peut plus d'être harcelée dans la rue. Une autre lui suggère de ne pas porter de robe, d'éviter de croiser le regard des hommes et d'éviter les artères et les intersections trop problématiques.

La diffusion il y a quelques semaines du documentaire par les médias belges - et la diffusion d'extraits sur YouTube, qui ont été vus plus d'un million de fois - a eu l'effet d'une bombe au sein de la classe politique belge.

Les politiciens veulent sévir

La Ville de Bruxelles a annoncé qu'elle allait introduire en septembre une nouvelle sanction administrative qui vise à décourager ce type de comportement. La ministre de l'Intérieur belge, Joëlle Milquet, a aussi promis de sévir à l'échelle nationale.

«Les remarques et injures sexistes doivent faire l'objet d'une condamnation sévère qui rompt avec le sentiment d'impunité bien présent actuellement, à Bruxelles comme ailleurs», a-t-elle déclaré.

Sofie Peeters s'est parallèlement fait accuser de vouloir encourager le racisme parce que la plupart des hommes présents dans le film - aucun n'est reconnaissable à l'image - sont d'origine maghrébine. Des groupes d'extrême-droite ont cherché à s'emparer de la polémique pour étayer leur agenda anti-immigration.

«L'attitude d'une personne n'est pas représentative de toute la communauté. Ce n'est pas une question d'origine ethnique mais sociale», a réagi la réalisatrice dans une entrevue aux médias belges.

Pas de jupes en France

La polémique sur le harcèlement de rue s'est rapidement transposée en France, où les échanges vont bon train dans les réseaux sociaux.

Un blogueur invité du Nouvel Observateur a été bombardé de messages outrés sur Twitter après avoir écrit qu'il n'avait «vu aucune fille se plaindre d'avoir à subir le même traitement en France».

Les femmes multiplient depuis plusieurs jours les témoignages en utilisant le terme de référence «harcelementderue». «On est combien ici à ne pas avoir porté de jupes en été depuis des années uniquement pour avoir la paix dans la rue?», demande notamment une internaute nommée Anne.

Une autre raconte s'être fait traiter de «grosse pute» après avoir rejeté les avances d'un homme qui lui avait demandé si elle «baisait».

Certaines intervenantes, beaucoup plus rares, vont dans le sens contraire, allant jusqu'à arguer qu'il y a une «grande part d'imaginaire» dans les plaintes de harcèlement.

Ministre en robe

Dans une lettre ouverte au quotidien Le Monde, Osez le féminisme relève que le harcèlement de rue est très répandu et s'inscrit dans un «continuum de violences machistes» qui «entretient le sentiment que la rue est un espace masculin dans lequel les femmes ne peuvent circuler de manière pleinement libre et sûre».

Le débat en France survient quelques jours après l'adoption d'une nouvelle loi sur le harcèlement sexuel qui vient combler le vide juridique laissé par une récente décision de la Cour constitutionnelle.

Elle fait suite également à une polémique survenue fin juillet à l'Assemblée nationale, où plusieurs députés ont poussé des cris admiratifs parce qu'une ministre avait décidé de porter une robe à fleurs...