Les Belges ont rendu un vibrant hommage à leurs enfants disparus hier, pour une fois unis dans un deuil national. L'émotion demeurait aussi vive à Saint-Luc, village alpin de la Suisse où les victimes belges avaient passé une semaine de rêve avant de périr sur le chemin vers la maison, mardi soir. Du côté de l'enquête, la cause de l'accident était plus mystérieuse que jamais.

Le village suisse de Saint-Luc pourrait porter le surnom de la «Petite Belgique». Chaque année, des milliers de petits Belges parcourent 1100 kilomètres pour ce paradis de neige, un rituel de fin du cycle primaire qui se transmet d'une génération à l'autre. Les deux tiers des visiteurs sont de nationalité belge.

Cette semaine, la «Petite Belgique» a perdu 22 enfants. Les villageois avaient toujours le coeur gros hier. «Ils sont restés ici pendant une semaine alors, forcément, des liens se tissent», dit Vicky, gérante d'une cafétéria de la station Chandolin, située à 2000 mètres d'altitude.

La Belge Isabelle Wats, en vacances de ski, était extrêmement bouleversée par le drame, d'autant plus qu'elle avait vu les victimes à la veille de leur départ, à l'hôtel du Cervin.

«Je montrais à mon compagnon cet hôtel où j'avais été hébergée à mon premier séjour à 12 ans, dit la thérapeute de 45 ans. Ils étaient tous là, sur les terrasses et les balcons. Ils avaient l'air heureux.

«Quand j'ai su la nouvelle, j'ai pleuré, poursuit-elle. Je me sens vraiment en deuil.»

«La fatalité»

La direction de l'hôtel du Cervin, qui accueille jusqu'à 130 enfants belges par semaine, n'avait exposé aucun bouquet de fleurs ni hommage à la mémoire des disparus. «La vie continue, explique le concierge Paulo Mestre, le teint bruni par le soleil. Il faut donner une bonne ambiance aux gamins qui viennent d'arriver.»

Pour se rendre de l'hôtel à l'autoroute A9, où la collision a eu lien, le chauffeur de l'autocar a dû emprunter un chemin escarpé et casse-cou. «De gros véhicules doivent s'y prendre deux ou trois fois dans les virages en aiguille», raconte Denis Bouvier, 72 ans, propriétaire d'un chalet suisse à Saint-Luc.

D'où l'étonnement de certains habitants, comme le chef secouriste Alain Rittiner, que l'accident se soit produit dans un tunnel large et en parfaites conditions. «C'est à n'y rien comprendre. C'est la fatalité», a dit M. Rittiner à La Presse jeudi.

D'ailleurs, les autorités se perdaient toujours en conjectures hier quant à la cause du drame. L'hypothèse du DVD que le chauffeur aurait voulu insérer dans un lecteur a été écartée. La vitesse, l'alcool et un accrochage avec la chaussée ou un autre véhicule ne sont pas non plus en cause. Il reste deux pistes: une défaillance technique ou un malaise du conducteur.

La Belgique de nouveau unie

La grande majorité des survivants ont regagné la Belgique hier, où un deuil national était observé.

À 11h, le pays tout entier s'est immobilisé pour une minute de silence. Puis, les cloches des églises ont retenti aux quatre coins du pays.

Fait remarquable, Flamands et Wallons étaient unis dans la douleur, oubliant pour un temps les récentes tensions linguistiques et politiques qui ont privé le pays de gouvernement pendant 541 jours en 2010 et 2011.

«Cette tragédie a pris une dimension très particulière, dit le Belge René Feldman, compagnon d'Isabelle Wats à Saint-Luc. C'est dommage qu'il faille attendre un malheur pour se réunir ainsi.»