Ils sont accusés de vouloir imposer à leurs sociétés appauvries et meurtries une vision aride et rétrograde de l'islam. Mais avant d'en arriver là, ils mènent leurs guerres en faisant appel à Twitter, l'un des moyens de communication les plus modernes de l'Occident honni.

«L'important n'est pas de savoir qui règne sur la Somalie, mais si la charia islamique y est appliquée. L'important est de repousser l'invasion agressive menée par les É.-U.», a-t-on pu lire le jour de Noël sur @HSMPress, un compte Twitter lié aux shebab, insurgés islamistes somaliens affiliés à Al-Qaïda.

En affrontant leurs ennemis et critiques sur la plateforme de microblogage créée par de maudits Américains, les shebab suivent l'exemple des talibans, l'organisation extrémiste afghane qui mène depuis septembre une guerre de mots quasi quotidienne contre les forces de l'OTAN par l'entremise de deux comptes Twitter, @alemarahweb et @ABalkhi.

«Combien de temps encore les terroristes menaceront-ils des Afghans innocents?», a demandé un porte-parole des forces de la coalition internationale sur le compte @ISAFMedia, au deuxième jour d'une attaque des talibans à Kaboul contre l'ambassade des États-Unis et le quartier général de l'OTAN.

La réponse du porte-parole des talibans, Abdulqahar Balkhi, qui utilise le pseudo @ABalkhi, n'a pas tardé à paraître sur Twitter dans un anglais abrégé: «Je c pas. C vous ki lé menacé depuis 10 ans. Rasé villages é marchés. Et c vous ki parlé de menace.»

Combattants de l'internet

Le recours à Twitter par des organisations comme les shebab et les talibans n'étonne pas Seth Jones, analyste du groupe de réflexion américain RAND Corporation, qui a l'oreille de l'administration Obama sur le terrorisme.

«Cela s'inscrit dans une démarche que l'on pouvait déjà observer sur Facebook, MySpace et YouTube, a-t-il déclaré lors d'un entretien téléphonique. Les groupes djihadistes utilisent tous les médias sociaux existants à des fins de propagande, de recrutement et de financement.»

«Anouar al-Aulaki est l'un de ceux qui ont fait le plus pour promouvoir l'utilisation des médias sociaux par les djihadistes», a-t-il ajouté en faisant référence à l'influent membre d'Al-Qaïda qui a été tué par un drone américain au Yémen, à la fin du mois de septembre. «Il encourageait ce qu'il appelait les «moudjahidines» de l'internet.»

Selon un article publié récemment dans le New York Times, le gouvernement américain s'inquiète de l'utilisation de Twitter par les shebab, qui ont déjà réussi à recruter des combattants aux États-Unis, au Canada et en Grande-Bretagne. Au moins quatre attentats-suicides ont été commis par des insurgés ayant la citoyenneté américaine. Et l'un des dirigeants du mouvement, Omar Al-Hammami, est né dans l'Alabama.

Rafale de gazouillis

Dans son article, le Times précise que le gouvernement américain étudie les moyens juridiques qui lui permettraient de fermer le compte Twitter des shebab.

Mais Seth Jones ne conseille pas une telle stratégie.

«Il est tellement facile d'ouvrir un compte», a-t-il expliqué. «Dès que vous en fermeriez un, un autre ouvrirait sous un autre nom. Cela ne peut pas être la seule stratégie.»

Le gouvernement américain devra probablement se contenter d'assister avec les quelque 6300 abonnés du compte HSMPress (HSM pour Harakat al-Shabab al-Mujahidee) à une guerre de mots sur Twitter opposant principalement les shebab au porte-parole de l'armée kényane, le major Emmanuel Chirchir, qui utilise le pseudo @MajorEChirchir.

«La vie a davantage à offrir que la lapidation de femmes innocentes», a écrit le major Chirchir le 9 décembre sur son fil Twitter.

Ce message a provoqué une rafale de gazouillis de la part des shebab. L'un d'eux se lisait ainsi: «Les valeurs ne sont rien sans la présence des hommes. Vos garçons inexpérimentés s'enfuient devant l'affrontement et reculent devant la mort.»

Si seulement la guerre des shebab pouvait se limiter à des gazouillis...