Liberté d'expression ou racisme? Un texte controversé soulève le débat en Israël. Deux rabbins sont soupçonnés d'incitation à la violence pour l'avoir appuyé. Mais leurs partisans manifestent dans les rues et s'insurgent contre l'intrusion du système judiciaire dans ce qu'ils perçoivent comme une affaire purement religieuse.

Plusieurs centaines de personnes, principalement de jeunes hommes religieux, ont manifesté hier devant la Cour suprême à Jérusalem en soutien à un rabbin soupçonné d'incitation «à la violence et au racisme».

Le rabbin Dov Lior a été questionné par la police dimanche dernier au sujet de son approbation du controversé livre Torat Hamalekh (Torah du Roi), publié en 2009. Le texte, basé sur l'interprétation des lois religieuses par son auteur, est sous la loupe des enquêteurs parce qu'il stipule notamment qu'il est permis aux juifs de tuer de façon préventive des non-juifs innocents en temps de guerre, même s'il s'agit de bébés.

L'auteur, le rabbin Yitzhak Shapira, avait été détenu, questionné et relâché peu après la parution du livre.

La semaine dernière, un autre rabbin, Yaacov Yosef, a été interrogé par la police pour avoir lui aussi appuyé le livre. Des partisans en colère avaient bloqué la circulation et 25 personnes avaient été arrêtées. Des manifestations ont aussi eu lieu dimanche et hier.

Les protestataires dénoncent l'intrusion de la police dans une affaire religieuse et évoquent la liberté d'expression. Leurs opposants craignent quant à eux les répercussions de ce qu'ils perçoivent comme un appel à la violence dans le contexte actuel.

«La question soulevée dans le livre est très explosive, spécialement dans l'état de l'État d'Israël. La plupart des érudits sont assurément contre les vues exprimées dans le livre», explique le professeur Menachem Friedman, spécialiste de la relation entre la religion et l'État.

Il n'est pas surpris par l'émoi soulevé par les interrogations des rabbins. «Le problème en Israël, c'est qu'il y a une grande animosité de l'extrême droite et des ultraorthodoxes envers le système judiciaire», dit-il.

L'étudiant en religion Ariel Finkelstain s'est penché sur le sujet du traitement des non-juifs selon la loi rabbinique. Il a publié en décembre dernier un livre dans lequel il réfute chacun des arguments de la Torah du Roi, en se basant lui aussi sur une interprétation de la loi juive.

«Je ne suis pas sûr que la voie avec la police était la meilleure, a dit le jeune homme de 25 ans. Moi, j'ai utilisé les mêmes outils qu'eux. Mais j'ai l'impression que des choses comme l'enquête vont renforcer les vues extrémistes, que les gens vont apporter leur soutien au livre sans le connaître. C'est un livre très dangereux, parce que les gens peuvent l'interpréter de la mauvaise façon.»